Libre circulation: pas de droit à l’aide sociale pour permis « L » non travailleur

Le Tribunal fédéral a rendu un arrêt le 22 octobre 2015 (8C_897/2014) concernant une personne de l’UE domiciliée en Valais avec un permis L, mais ne travaillant pas.

Les faits

A. est arrivé en Suisse en 2007. Il a bénéficié successivement de plusieurs permis L UE/AELE. Il est sous curatelle de portée générale et a travaillé un jour dans le cadre d’un contrat de mission temporaire en 2013 ou en 2014. Il a effectué une nouvelle mission entre le 13 juin et le 4 juillet 2014. Le 24 mars 2014, A. a déposé une demande d’aide sociale auprès de sa commune. La commune a tout d’abord refusé de lui accorder l’aide sociale du fait qu’il était titulaire d’un permis L et sans emploi. Elle s’est ensuite ravisée et lui a accordé une aide d’urgence pour une durée de trois mois.

Sur recours, le Tribunal cantonal a renvoyé la cause à la commune concernant l’aide d’urgence et il a confirmé la décision de refus de l’aide sociale ordinaire. Le recours de A. au Tribunal fédéral porte sur le refus de l’aide sociale ordinaire.

Le règlement d’exécution de la loi sur l’intégration et l’aide sociale du canton du Valais (RELIAS) prévoit s’agissant des « personnes détentrices d’un permis L ».

Art. 12 RELIAS

1 Les détenteurs d’un permis L et les personnes dont ils ont la charge et faisant ménage commun ont droit à une aide sociale ordinaire s’ils remplissent certaines conditions spécifiques.

2 Ils doivent avoir un emploi dans le premier marché du travail. L’aide sociale complète le revenu durant la période de validité du permis. Avant la prise d’un emploi ou après la fin des rapports de travail, il n’y a pas de droit à une aide sociale. Les exceptions à ce principe sont soumises à autorisation du service de l’action sociale.

Pas de droit à l’aide sociale selon l’ALCP

Le Tribunal fédéral indique que l’ALCP n’ouvre « pas de droit à l’aide sociale pour les titulaires d’un permis L ». Il faut réserver le fait qu’un travailleur de l’UE/AELE a droit à l’aide sociale (même s’il est titulaire d’un permis L) et qu’un chômeur en situation de chômage involontaire peut conserver son ancienne qualité de travailleur et ainsi son droit à l’aide sociale. En l’espèce, le Tribunal fédéral note que A. n’exerce pas et n’a pas exercé d’activité lucrative durable. Il n’avait aucune perspective réelle d’engagement et il ne se trouvait donc pas en situation de chômage involontaire. Il pouvait donc conformément à l’ALCP et à l’art 12 RELIAS être exclu de l’aide sociale. Le fait qu’A. ait son domicile en Suisse n’y change rien.

Disposition dans le règlement d’exécution jugée suffisante

Le recourant a invoqué qu’un traitement différent entre des groupes de personnes pour l’octroi de l’aide sociale nécessite une base légale formelle. Le Tribunal fédéral indique que l’art. 12 RELIAS ne va pas à l’encontre de l’art. 12 Cst, puisqu’il ne restreint pas l’aide d’urgence, mais l’aide sociale ordinaire.

Le Tribunal fédéral relève qu’en matière d’aide sociale, « l’exigence de précision de la règle se heurte généralement à des difficultés particulières en raison de la diversité des situations et des montants d’aide qui doivent être accordés en fonction des spécificités et de la situation sociale et économique des bénéficiaires ». La densité normative dans le domaine de l’aide sociale n’est pas soumise à des exigences élevées.

L’art. 6 let. h de la loi sur l’intégration et l’aide sociale du canton du Valais (LIAS) charge le Conseil d’Etat d’arrêter, par règlement d’exécution, les normes applicables en matière d’aide sociale.

Le Tribunal fédéral indique que « l’art. 12 RELIAS, est une transposition dans le droit cantonal de l’art. 6 par. 2 Annexe I ALCP, visant à éviter que des personnes concernées ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’Etat membre d’accueil et il est l’expression d’une conception très largement répandue au plan international. Il en est de même au plan interne suisse. » … « Dans la mesure où elle peut s’appuyer directement sur une norme de l’ALCP et qu’elle n’est finalement que la simple transposition d’objectifs qui résultent directement de l’ALCP et de principes communément admis, il y a lieu de considérer que la disposition réglementaire litigieuse ne requiert pas de base légale formelle plus précise que l’art. 6 let. h LIAS précité. »

Il subsiste toutefois une incertitude quant à savoir si les cantons dont la législation n’a pas intégré de règles spéciales concernant les demandeurs d’emploi titulaires d’une autorisation de courte durée doivent ou non appliquer les règles ordinaires en matière d’aide sociale.

Artias – Yvan Fauchère