Mesures contre les faillites en chaîne : le Conseil national demande d’en faire plus (et plus rapidement !)

Trois motions qui proposent des
mesures pour empêcher les faillites en chaîne d’entreprises, portées par des
parlementaires de gauche comme de droite, ont été acceptées par le Conseil national lors
de la session d’automne 2019.

La première[1]
demande que le Registre du commerce refuse l’enregistrement de changement
d’organes et de modification de statut d’une entreprise surendettée tant que le
demandeur ne présente pas de plan d’assainissement.  Cette mesure permet d’interdire l’achat d’une société endettée ou en
faillite à des fins frauduleuses (commande de 
matériel ou engagement de personnel qui ne seront jamais payés, fraudes
aux assurances sociales, prises d’engagements sans volonté de les tenir etc.).

La deuxième motion[2]
vise à permettre au Registre du commerce de refuser l’inscription, en tant
qu’organe d’une société, à une personne qui a été organe, de droit ou avec
l’aide d’un prête-nom, de plus d’une société ayant fait faillite au cours de
l’année passée. Enfin, la dernière motion[3] veut permettre aux créanciers privés d’attaquer en
responsabilité les dirigeants d’une société qui leur causent un dommage. Ces
objets ont été adoptés alors que le Conseil fédéral vient de présenter son
message sur la diminution du risque de faillites abusives[4],
concrétisant une motion Hess[5]
adoptée en 2012.

Que propose le Conseil
fédéral ? Pour l’essentiel, des mesures organisationnelles et de procédures qui visent à rendre la vie
plus dure aux « entrepreneurs » qui grugent leurs employés et la
collectivité publique avec des faillites à répétition. Il s’agit
notamment :

  • d’établir un lien entre le casier judiciaire et
    le registre du commerce afin de permettre aux offices du registre du commerce
    de radier une personne qui fait l’objet d’une interdiction pénale d’exercer une
    activité en raison d’une faillite abusive ;
  • de permettre au public de rechercher des
    personnes physiques dans le registre du commerce ;
  • de permettre aux collectivités publiques
    (représentants fiscaux et des assurances sociales) de choisir si une poursuite
    se fait par voie de
    saisie ou de faillite (actuellement, les collectivités publiques n’ont pas le
    droit d’engager une procédure de faillite contre une société) ;
  • de codifier la jurisprudence du Tribunal fédéral
    qui interdit la vente de parts de sociétés liquidées dans les faits.

Des mesures à la hauteur du phénomène ?

Dans le domaine de la
construction, les faillites à répétition sont une pratique assez répandue pour
éveiller l’intérêt de la presse et des responsables politiques. Associations
syndicales et patronales dénoncent conjointement ces acteurs qui perturbent le
marché en pratiquant la sous-enchère lors d’appels d’offres, en utilisant une
main d’œuvre précaire ou clandestine, pratiquant le dumping salarial ou ne
payant pas les salaires, ni les assurances sociales, ni parfois leurs
fournisseurs[6].

Or, contrairement aux Etats
voisins, le droit suisse n’empêche nullement la récidive de ceux que leurs
adversaires nomment « serial failers » : il reste facile, après
avoir organisé son insolvabilité et voir sa société mise en faillite, de fonder
une nouvelle raison sociale, parfois avec l’aide d’un prête-nom et de reprendre
ses activités frauduleuses. Par ailleurs, les registres des poursuites sont
tenus par région et un déménagement permet de simuler, en apparence et pour un
moment en tout cas, une nouvelle solvabilité.

Avec l’acceptation de ces trois
motions, le Conseil national a demandé au Conseil fédéral d’augmenter
l’efficacité de son projet. Le dernier mot reviendra prochainement au Conseil
des Etats.

Artias – Paola Stanic, juriste.


[1] 17.3758 Pardini. Faillites en chaîne. Empêcher le commerce avec des entreprises surendettées.

[2] 17.3759 Schwaab. Stopper les faillites en chaîne. Empêcher les champions de l’insolvabilité organisée de nuire à nouveau.

[3] 17.3760 Feller. Conférer aux créanciers ordinaires une action directe en responsabilité contre les dirigeants d’une société qui leur causent un dommage.

[4] Message du Conseil fédéral du 26 juin 2019 concernant la Loi fédérale sur la lutte contre l’usage abusif de la faillite, 19.043, FF 2019.4977

[5] 11.3925 Hess. Prévenir l’usage abusif de la procédure de faillite, déposée le 29.09.2011.

[6] Voir par exemple le dossier de l’association patronale constructionromande sur les faillites en séries  ou les articles sur ce sujet dans l’événement syndical. À lire également cette enquête du journal 24 heures qui apporte un éclairage général sur la question.