La protection sociale éclairée par les statistiques

Que se passe-t-il dans les différentes branches de la sécurité sociale ? Que faisaient les assuré-e-s avant d’être au chômage, les bénéficiaires de l’aide sociale avant de recevoir des prestations et les rentiers de l’assurance-invalidité avant l’octroi d’une rente ? Quand en sortent-ils, et pour aller où ?

Ce sont les questions auxquelles répond l’étude « Parcours dans le système de sécurité sociale en 2021 », publiée par l’Office fédéral de la statistique.

Cette étude pose notamment la question des transitions entre assurance chômage (AC), assurance-invalidité (AI) et aide sociale (AS) et des relations des ces branches de la sécurité sociale entre elles et cherche à mettre en lumière les parcours au sein du « système ASAIAC », qui peuvent prendre en charge les mêmes personnes, simultanément ou successivement.

L’étude porte sur les bénéficiaires de 18 à 65 ans dont le domicile permanent se trouve en Suisse ; aucune donnée ne concerne donc les enfants mineurs, qui forment environ le tiers des bénéficiaires de l’aide sociale.

Nombre de bénéficiaires par branche de la sécurité sociale

Tout d’abord, l’on constate qu’en 2021, 12,7% de la population de référence a perçu l’une des prestations (AC – AI – AS) durant au moins un mois. Parmi elle, 5,6% a perçu uniquement des indemnités journalières de l’assurance-chômage ; 3,9% uniquement une rente AI et 2,7% uniquement une prestation de l’aide sociale. Le nombre de bénéficiaires total en 2021 est en léger recul par rapport aux années précédentes, ce qui est dû à un recul du nombre de bénéficiaires des prestations d’aide sociale. Le nombre de rentiers AI a connu une légère augmentation et, après la hausse importante du nombre d’assuré-e-s au chômage lors du COVID, en 2021, l’on constate une stabilisation de leur nombre à un haut niveau.

Lorsque l’on réfléchit en termes de durée de perception de la prestation dans l’année, l’on constate que la durée moyenne, en mois, de perception d’une rente AI pour l’année 2021 est de 11,5 mois alors que celle de l’assurance-chômage est de 6 mois. Pour l’aide sociale, la durée moyenne de perception par année est de 10,4 mois.

Beaucoup de personnes soutenues par l’une de ces prestations travaillent : la part de prestations mensuelles (AS – AI – AC) perçues en parallèle d’un revenu de travail est de 27,8%, dont 32,5% des personnes au chômage, 26,5% des rentières et rentiers AI et 24,8% des personnes à l’aide sociale.

Maintien dans une prestation

Cette étude permet aussi de « suivre » les bénéficiaires d’une prestation dans le temps : 60,8% des assuré-e-s percevaient encore des indemnités journalières de l’assurance-chômage six mois après leur entrée, un taux logiquement plus bas, en raison de la limitation des prestations dans le temps, que pour les rentières et rentiers AI (95,5%), mais aussi que pour les personnes à l’aide sociale (74,6%). Après deux ans, le taux de personnes « restantes » était de 16,5% pour l’assurance-chômage, contre 83,6% pour les rentières et rentiers AI et 41,8% pour les personnes à l’aide sociale.

Toutefois, toutes les personnes assurées ne sont pas égales au regard du taux de sortie : les personnes de nationalité étrangère restent plus longtemps à l’assurance-chômage que les Suisses, tout comme les chômeuses et chômeurs âgé-e-s. Certain-e-s assuré-e-s touchent à nouveau une prestation dans les 12 mois après la sortie : cela concerne 22,5% des personnes au chômage et 14,5% des bénéficiaires de l’aide sociale. Le taux de retour des rentières et rentiers AI est très faible, avec 2,0%.

Situation avant l’entrée dans un dispositif

Dans les six mois avant de percevoir une prestation, la majorité des personnes n’en touchait aucune. Par ailleurs, la situation avant l’entrée dans une prestation diffère de l’une à l’autre : avant l’entrée à l’assurance-chômage, 88,3% des assuré-e-s occupaient un emploi. Avant l’entrée à l’assurance-invalidité, un petit tiers exerçait une activité rémunérée durant au moins un mois au cours des derniers six mois et un quart d’entre-elles percevait de l’aide sociale. Enfin, un tiers des rentiers et rentières AI ne percevaient ni revenu de travail, ni une autre prestation avant l’octroi de la rente AI.

Enfin, avant l’entrée à l’aide sociale, un tiers des personnes vivaient uniquement du revenu de leur travail. 17,5% percevaient des indemnités journalières de l’assurance-chômage (avec ou sans activité lucrative parallèle). Un peu moins de la moitié des personnes qui ont perçu des prestations de l’assurance-chômage uniquement ont été en fin de droit avant de s’adresser à l’aide sociale. Les personnes qui passent directement d’une rente AI à des prestations de l’aide sociale sont très peu nombreuses (2%). Enfin, avant d’arriver à l’aide sociale, plus d’un tiers des personnes se trouvaient dans la catégorie « autres », c’est-à-dire ne percevaient ni revenu du travail, ni prestation de l’AC ou de l’AI.

 Et à la sortie ?

À peu près quatre personnes au chômage sur cinq retrouvent du travail alors que dix pour cent d’entre elles se retrouvent en fin de droits. Parmi ces dernières, 43,5% retravaillent durant au moins un mois et ne perçoivent aucune prestation de l’AI ou de l’aide sociale au cours des six mois suivant leur sortie ; 12% ont un travail et perçoivent une prestation et 13,7% sont à l’aide sociale.

En ce qui concerne l’assurance-invalidité, 67,2% des rentières et rentiers passent à l’AVS ; 18,3% meurent et 8,2% quittent la Suisse.

Enfin, 45,9% des bénéficiaires de l’aide sociale ont perçu un revenu du travail durant au moins un mois dans les six mois suivant leur sortie, sans percevoir d’autre prestations de l’AI ou de l’AC ; 11,8% se retrouvent à l’assurance-chômage, avec ou sans travail parallèle et 21,8% « dans une autre situation », et sortent par conséquent du champ de vision du « système ASAIAC ».

Parcours dans les prestations

72% des personnes perçoivent une seule prestation avec un épisode unique ; 20,6% perçoivent également une seule prestation, mais connaissent au moins un départ, puis un retour dans cette prestation dans une période de deux ans ; enfin, 7,4% perçoivent au moins deux prestations dans ce même laps de temps.

La plupart des personnes (plus de 9 sur 10) percevant une seule prestation, mais avec un retour ressortent de l’assurance-chômage ; le dernier dixième se trouve à l’aide sociale. Parmi les profils multi-prestations, la combinaison de l’assurance-chômage et de l’aide sociale est la plus fréquente, suivie de la combinaison assurance-invalidité – aide sociale, puis de celle assurance-chômage – AI.

Remarques du point de vue de l’aide sociale

Du point de vue de l’aide sociale et des répercussions des transferts des assurances sociales sur le « dernier filet » de la sécurité sociale, l’on peut regretter que les transferts entre les sous-systèmes soient examinés sur une période de six mois, trop courte pour rendre compte d’un transfert d’une assurance sociale vers l’aide sociale, en raison des conditions d’entrée dans cette dernière (notamment de revenu et de fortune).

Par ailleurs, la catégorie « autre », c’est-à-dire les personnes qui n’exercent pas d’activité rémunérée, ni bénéficie d’une des trois prestations sociales mériterait d’être affinée, pour ce qui est de la compréhension des mouvements vers et depuis l’aide sociale. En effet, cette prestation n’est pas une assurance et suit par conséquent une logique différente. En particulier, si elle est possible, la prise en compte de la situation de l’unité d’assistance dans son ensemble ou la prise en considération des raisons de l’arrivée à l’aide sociale, comme les divorces ou les séparations, permettrait de déterminer de manière plus complète les risques de perception de cette prestation.

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