8,2% de la population suisse vit dans la pauvreté

Les résultats de l’enquête 2022 sur les revenus et les conditions de vie (SILC) menée dans toute l’Europe, révèle un tableau stable du nombre de personnes pauvres en Suisse. Celui-ci a connu une légère baisse en passant de 745’000 en 2021 à 702’000 en 2022 – soit 8,2% de la population. Il est à noter que ces résultats ne tiennent pas compte des hausses de prix intervenus depuis 2022 pour l’électricité, le chauffage et les biens de consommation.

Le taux de pauvreté de la population active (aussi appelée pauvreté laborieuse) était de 3,8%, soit 144’000 personnes.

En 2022, 9,9% des personnes en Suisse avaient des difficultés à joindre les deux bouts à la fin du mois. Le taux de privation matérielle et sociale, qui mesure un renoncement à des activités de base pour des raisons financières, s’élevait à 4,9%.  

Si la satisfaction dans la vie est en moyenne plus élevée en Suisse qu’en Europe, les personnes en situation de privation sont nettement moins satisfaites de leur vie (10,9% satisfaite de sa vie contre 37,9% de la population dans son ensemble). Par ailleurs, les personnes en situation de privation sont davantage atteintes dans leur santé mentale (sentiment de découragement, déprime).

Autres éclairages sur notre thème Social >> Pauvreté >> Faits et chiffres




Nouvelle baisse des prestations sociales sous condition de ressources en 2022

En 2022, Confédération, cantons et communes ont versé 8,6 milliards de francs pour l’ensemble de ces prestations, ce qui correspond à une baisse de 207 millions de francs (-2,4%) par rapport à 2021.

Les prestations sociales sous condition de ressources sont versées à celles et ceux qui en font la demande et dont le revenu se trouve au-dessous d’un minimum vital (qui peut différer selon la prestation). Les prestations complémentaires à l’AVS/AI forment un peu moins de deux tiers des prestations versées et l’aide sociale un autre tiers. Les 6,5% des dépenses restantes concernent l’aide aux personnes âgées ou invalides, l’aide aux chômeurs, aux familles, les avances sur pensions alimentaires ou l’aide au logement.

Au total, 800 000 personnes (9,2% de la population) perçoivent une prestation sous condition de ressources.

Les dépenses concernant l’aide sociale sont en moyenne en baisse constante depuis 2019 ; pour l’année 2022, le recul est encore plus net que pour les trois années précédentes avec une diminution de 253 millions de francs, soit de 9,2%. Les dépenses totales de l’aide sociale s’élèvent à 2,5 milliards de francs, soit le 1,2% des dépenses globales pour toutes les prestations sociales. L’année précédente, cette part se situait à 1,4%. La baisse est due à la baisse du nombre bénéficiaires de l’aide sociale (-3,1%) et à la diminution des dépenses annuelles moyennes nettes par bénéficiaires (qui passent de 10 419 francs à 9 772 francs par bénéficiaires, donc en baisse de – 6,2%). En revanche, le montant versé au titre des prestations complémentaires à l’AVS/AI a augmenté de 0,9% (51 millions de francs), pour un montant total de 5,5 milliards.

Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Social >> Aide sociale >> Statistiques de l’aide sociale




Une 13e rente AI ?

Le 3 mars 2024, le peuple et les cantons ont accepté l’initiative pour une 13e rente AVS.

À la suite de cette votation, Pro Infirmis et Inclusion Handicap notamment ont souligné qu’il était primordial de préserver l’unité du premier pilier du système de prévoyance et de veiller à ne pas créer d’inégalité de traitement à l’encontre des bénéficiaires de rentes AI. Des critiques avaient d’ailleurs été exprimées à ce propos avant la votation du 3 mars 2024. En effet, la 13e rente AVS a été reconnue nécessaire pour couvrir les besoins vitaux des rentiers AVS. Les deux organisations faîtières soulignent que cela est d’autant plus vrai pour les bénéficiaires de rente AI puisque la moitié d’entre eux perçoivent des prestations complémentaires, contre 12% pour les rentiers AVS. Pro Infirmis et Inclusion Handicap demandent donc au Conseil fédéral et au Parlement d’en tenir compte dans la mise en œuvre de l’initiative sur la 13e rente AVS.

Le 6 mars 2024, les Vert-e-s ont déposé une motion « Pour une 13e rente de survivant et une 13e rente AI » (24.3099) allant dans le même sens que ce qui est demandé par les deux associations mentionnées ci-dessus.

Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Social >> Assurances sociales >> Assurance-invalidité




Augmentation de la pauvreté infantile en Suisse

Un rapport de l’UNICEF intitulé « La pauvreté des enfants au milieu de la richesse[1] » épingle la Suisse sur la question de la pauvreté des enfants. En comparaison internationale, les efforts déployés pour lutter contre la pauvreté infantile seraient insuffisants, estime l’agence de l’ONU consacrée à l’amélioration et à la promotion de la condition des enfants.

D’une part, le taux de pauvreté des enfants calculé pour la Suisse par l’UNICEF est de 18% en moyenne pour les années 2019-2021, en augmentation de 10% depuis la période 2012-2014.  

D’autre part, parmi les pays observés, certains ont réussi à stabiliser voire à réduire la pauvreté des enfants. Ce n’est pas le cas de la Suisse, qui figure dans le groupe de pays où ce phénomène a augmenté au cours des 10 dernières années (de même qu’en Grande-Bretagne ou en France par exemple).

Ces divers éléments font que l’UNICEF place la Suisse en 30e place sur les 39 pays de l’OCDE analysés dans l’étude.

Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Social >> Pauvreté >> Pauvreté des enfants


[1]UNICEF Innocenti – Global Office of Research and Foresight, Innocenti Report Card 18: Child poverty in the midst of wealth, UNICEF Innocenti, Florence, December 2023, URL: https://www.unicef.org/globalinsight/media/3291/file/UNICEF-Innocenti-Report-Card-18-Child-Poverty-Amidst-Wealth-2023.pdf




Les inégalités de patrimoine aggravées par les baisses d’impôt sur la fortune

Les 1% les plus riches de la population helvétique détenaient 43% de la richesse totale en 2019, contre environ 32% en 1980. À l’instar de nombreux autres pays, la Suisse a ainsi vu la concentration de la fortune au sein de la population augmenter progressivement au cours des dernières décennies pour se situer aujourd’hui à un niveau élevé. Simultanément, les impôts sur la fortune et les hauts revenus ont progressivement diminué depuis les années septante.

Une question se pose alors. Est-ce qu’un impôt sur la fortune plus progressif influencerait la concentration de la fortune, et partant, permettrait de réduire les inégalités de patrimoine ? Les économistes Isabel Z. Martínez du KOF, Samira Marti et Florian Scheuer de l’Université de Zurich ont tenté de répondre à cette question dans une étude en observant la situation helvétique qui, du fait de la structure décentralisée de l’impôt sur la fortune, contient de précieuses informations à cet égard. En effet, les 26 cantons fixent leurs propres taux d’imposition sur la fortune et les modifient régulièrement.

Il ressort de cette étude que les réductions du taux d’imposition maximal de la fortune entrainent une augmentation de la concentration de la fortune au cours de la décennie suivante. Inversement, en cas d’augmentations du taux d’imposition maximal de la fortune, une diminution de la concentration de la fortune est observée. Les auteurs de la recherche sont ainsi arrivés à la conclusion que les baisses de l’impôt sur la fortune jouent un rôle significatif dans l’augmentation de la concentration des richesses. Environ un quart de cette augmentation est ainsi dû aux réductions d’impôt sur la fortune.

Cela signifie également que la fiscalité n’est pas l’unique facteur impactant les inégalités de patrimoine. Pour la Suisse, les chercheurs relèvent que la diminution progressive de l’impôt sur le revenu dans les cantons, la réduction continue des impôts sur les bénéfices des entreprises au niveau fédéral et cantonal ainsi que la suppression dans la quasi-totalité des cantons helvétiques de l’impôt sur les successions pour les descendants directs sont autant d’autres moteurs qui ont également contribué à augmenter l’inégalité de la fortune.    

Lien vers le rapport du Conseil fédéral du 16 décembre 2022 relatif à la répartition de la richesse en Suisse 

Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Finances >> Impôts




Ouverture de la consultation sur le projet de modification de la loi relative aux conventions collectives de travail (LECCT)

Lors de sa séance du 24 janvier 2024, le Conseil fédéral a mis en consultation, jusqu’au 1er mai 2024, le projet de modification de la loi permettant d’étendre le champ d’application de la convention collective de travail (LECCT) mettant en œuvre deux mandats parlementaires (motions 20.4738 et 21.3599) se référant aux conventions collectives de travail (CCT) étendues.

La première motion a chargé le Conseil fédéral de modifier la LECCT pour que les normes d’une CCT étendue relatives au salaire minimum, au 13e mois de salaire et au droit aux vacances l’emportent sur le droit cantonal. Actuellement, une CCT ne peut rien contenir de contraire, entre autres, aux dispositions impératives du droit cantonal[1]. Le Conseil fédéral a alors soumis un projet de modification de la LECCT en complétant l’art. 2 ch. 4 LECCT afin que les clauses de CCT prévoyant des salaires minimaux inférieurs à ceux inscrits dans les lois cantonales puissent être étendues. Toutefois, rappelant que ce projet de modification va à l’encontre de plusieurs principes fondamentaux de l’ordre juridique suisse tels que celui du partage des compétences entre la Confédération et les cantons, le Conseil fédéral, opposé à une telle modification, a proposé au Parlement de ne pas l’adopter. 

Quant à la seconde motion, elle a notamment chargé le Conseil fédéral de prendre les mesures nécessaires pour que les commissions paritaires des CCT déclarées de force obligatoire générale soient tenues de publier leurs rapports annuels comptables concernant les contributions aux frais d’exécution desdites CCT. Le projet que le Conseil fédéral a soumis en réponse à cette motion consiste en l’introduction de deux alinéas à l’art. 5 LECCT accordant un droit de consultation gratuit des comptes annuels des commissions paritaires à tout employeur et à tout travailleur soumis à une CCT étendue qui paient des contributions aux frais d’exécution de cette CCT.

Pour d’autres éclairage, voir notre rubrique Travail >> Marché du travail


[1] En vertu de l’art. 358 CO et de l’art. 2 ch. 4 LECCT.




Principaux changements législatifs au 1er janvier 2024

Quelques entrées en vigueur sont à relever dans le domaine du social en ce début d’année 2024.

La réforme AVS 21, tout d’abord, qui entraîne une hausse progressive de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans et élargit les possibilités de prendre une retraite anticipée partielle ou totale ou d’ajourner, toujours partiellement ou totalement, le versement de sa rente. La réforme rebaptise par ailleurs l’âge de la retraite en « âge de référence ».

Toujours dans le domaine du premier pilier, la réforme des prestations complémentaires déploie dorénavant tous ses effets, même auprès des bénéficiaires désavantagés par la nouvelle loi : l’Artias a publié une actualité sur la fin de la période transitoire.

Dans le domaine de l’assurance-invalidité, le règlement sur l’assurance-invalidité a été modifié afin que, dans le calcul de la rente AI, il soit mieux tenu compte des possibilités réelles de gain une fois l’invalidité survenue. Est-ce suffisant ? Cet article rappelle les enjeux.

Changements également en matière d’allocation maternité et paternité (ou allocation pour l’autre parent) : il devient possible de prendre, en plus de son congé, le congé de l’autre parent lorsque ce dernier décède alors que l’enfant vient de naître.

Une autre disposition entrée en vigueur dans le domaine de l’assurance-maladie empêche, depuis le début de l’année, les assureurs maladie de poursuivre les jeunes majeurs pour des dettes contractées par leurs parents durant leur minorité. Cette disposition est la première d’une série de changements législatifs ayant comme objet la gestion des primes d’assurance-maladie impayées. Plus d’informations sur notre site.

Soulignons pour terminer que les salaires du contrat type de travail (CTT) « économie domestique » ont été adaptés, tout comme les taux maximums en matière de prêts personnels (12%) et de cartes de crédit (14%). En matière de droit de la libre-circulation des personnes, la Suisse a une nouvelle fois activé la clause de sauvegarde à l’égard de la Croatie.

Toutes ces mises à jour ont été répertoriées dans le Guide Social Romand et dans ses fiches socio-juridiques. Ce guide qui couvre l’ensemble des cantons romands contient des informations précises sur de nombreux domaines du quotidien, à destination des professionnelles et professionnels du social ainsi que de toute personne intéressée : www.guidesocial.ch




Dettes de l’assurance-maladie : les négociations deviendront possibles

Depuis le 1er janvier 2012 (modification de la LAMal du 19 mars 2010), les créances de l’assurance-maladie de base étaient dues intégralement. Cela avait notamment pour conséquence qu’il n’était plus possible de négocier la créance, par exemple dans le cadre d’une démarche de désendettement.

Cet état de fait a été confirmé par le Tribunal fédéral dans l’arrêt 9C_160/2019 du 20 août 2019[1]. Le fait que les cantons prennent en charge les 85% des créances qui n’avait pas pu être recouvrées (au sens de l’article 64a, al.3 LAMal) ne change rien à l’affaire : la personne débitrice conserve l’obligation légale de s’acquitter de la totalité du montant dû.

La reprise des actes de défaut de biens (ADB) par les cantons, moyennant le paiement de 90% de leur montant, qui deviendra possible à partir du 1er juillet 2025 change la donne. En cas de cession des ADB au canton, ce dernier sera compétent pour négocier des modalités de remboursement de créance et d’éventuelles remises de dettes. Cette information provient de l’Office fédéral de la santé publique, que nous avons sollicité à ce sujet.

Sur l’entrée en vigueur des dispositions concernant les créances de l’assurance-maladie et sur leur contexte, voir notre article de novembre 2023 « Créances d’assurance-maladie impayées : entrées en vigueur des changements législatifs« , et les documents cités.

Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Social >> Assurances sociales >> Assurance-maladie >> Généralités


[1] https://www.bger.ch/ext/eurospider/live/fr/php/aza/http/index.php?highlight_docid=aza%3A%2F%2F20-08-2019-9C_160-2019&lang=fr&type=show_document&zoom=YES&, 18.01.2024.




Droit du bail : des adaptations au détriment des locataires mises en consultation

La Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) a mis en consultation un projet de modification du droit du bail qui vise à mettre en œuvre deux initiatives parlementaires : 16.451 et 17.493. Le projet de la commission prévoit les adaptations suivantes :

  • Contestation du loyer initial : Conformément au droit du bail, le locataire peut contester le loyer initial comme abusif dans les 30 jours qui suivent la réception de la chose louée, s’il y a pénurie sur le marché local du logement et des locaux commerciaux ou en cas d’augmentation sensible du loyer initial pour la même chose par rapport au précédent loyer. Le projet ajoute un critère supplémentaire : le locataire devra également démontrer qu’il a été contraint de conclure le bail par nécessité personnelle ou familiale.
  • Évaluation du caractère abusif du loyer en fonction du critère des loyers usuels dans la localité ou le quartier : Actuellement, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la preuve du caractère usuel des loyers dans la localité ou le quartier doit être établie au moyen de cinq objets comparables. La commission souhaite baisser ce nombre à trois.

La minorité qui s’est opposée au projet considère que les modifications proposées constituent une attaque contre les fondements de la protection des locataires contre les loyers abusifs.

Le projet est mis en consultation jusqu’au 10 avril 2024.




Mise en consultation d’un projet de modification de la LAPG

Lors de sa séance du 22 décembre 2023, le Conseil fédéral a mis en consultation un projet de modification de la loi sur les allocations pour perte de gain (LAPG) qui vise à harmoniser les prestations et à répondre ainsi à divers mandats parlementaires (motions 19.4270, 19.4110, 22.4019 et 22.3608). Les changements prévus sont les suivants :

  • L’allocation d’exploitation pour les indépendants (art. 8 LAPG) et l’allocation pour frais de garde (art. 7 LAPG), dont ne bénéficient aujourd’hui que les personnes qui font du service, seront également accordées aux mères, pères, épouses des mères, parents proches aidants et parents adoptifs.
  • L’allocation pour enfant (art. 6 LAPG) sera supprimée.
  • En cas d’hospitalisation prolongée de la mère, l’allocation de maternité sera prolongée de la durée effective de l’hospitalisation, mais à 56 jours au maximum.
  • L’allocation de prise en charge, destinée aux parents dont l’enfant mineur est gravement atteint dans sa santé, est étendue. Elle sera accordée dans tous les cas où l’enfant est hospitalisé pendant au moins quatre jours et dont au moins un des parents doit interrompre son activité lucrative pour s’occuper de lui, cela même en l’absence de changement majeur de son état de santé ou de mauvais pronostic.

La consultation court jusqu’au 12 avril 2024.