Aide sociale et « renvoi des étrangers criminels » – loi d’application

Plus de quatre ans après l’approbation de l’initiative « Pour le renvoi des étrangers criminels », le Parlement a adopté le 20 mars 2015 la loi d’application de l’art. 121 al. 3 de la Constitution. La loi d’application a élargi, par rapport à l’initiative, le catalogue des infractions justifiant l’expulsion pour une durée de cinq à quinze ans. Toutefois, l’expulsion ne sera pas automatique dans chaque cas et le juge pourra y renoncer« lorsque celle-ci mettrait l’étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l’expulsion ne l’emportent pas sur l’intérêt privé de l’étranger à demeurer en Suisse. A cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l’étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse. »

L’art. 121 al. 3 let. b Cst. dispose que les étrangers sont privés de leur droit de séjour « s’ils ont perçu abusivement des prestations des assurances sociales ou de l’aide sociale ». La loi d’application contient un catalogue des infractions justifiant l’expulsion où figurent notamment l’escroquerie à l’aide sociale (art. 146 al. 1 du Code pénal) et une nouvelle infraction: l’obtention illicite de prestations de l’aide sociale (nouvel art. 148a al. 1 CP).

Nouvel article dans le code pénal concernant l’aide sociale

Un nouvel article est ainsi introduit dans le Code pénal:

Obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale »:

 Art. 148a CP
1 Quiconque, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d’une assurance sociale ou de l’aide sociale, est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire.
2 Dans les cas de peu de gravité, la peine est l’amende.

Eléments de l’infraction

Cet article du Code pénal ne concerne pas seulement le « renvoi des étrangers », mais l’ensemble des bénéficiaires des assurances sociales ou de l’aide sociale.

Il vise les cas dans lesquels l’infraction d’escroquerie n’est pas réalisée parce que l’auteur n’a pas agi astucieusement.

Il couvre d’une part les cas d’application dans lequel une personne fournit des informations fausses ou incomplètes s’agissant, par exemple, de sa situation financière, personnelle ou médicale. D’autre part, il couvre les cas où la personne ne communique pas un changement de situation. Toute personne peut être la victime d’une telle action (ex.: la tromperie peut viser le médecin, qui établit ensuite un faux diagnostic, qui peut entraîner l’obtention illicite de prestations).

L’infraction n’est réalisée que s’il y a intention: l’auteur doit volontairement et en connaissance de cause, faire des déclarations fausses ou incomplètes afin d’induire une personne en erreur et d’obtenir de la sorte une prestation à laquelle il n’a pas droit.

Relations avec le droit cantonal

Les cantons ont la compétence de légiférer en matière d’aide sociale. Ils sont donc habilités à définir des sanctions pour punir les infractions aux normes cantonales régissant l’aide sociale (art. 335 al. 2 CP). Toutefois, étant donné que le nouvel art. 121 al. 3 let. b Cst. demande que l’on expulse la personne étrangère qui perçoit abusivement des prestations d’aide sociale, il a été créé cette nouvelle infraction dans le CP, notamment pour que les conditions de l’expulsion soient ainsi les mêmes dans toute la Suisse.

Selon le message du Conseil fédéral, les normes cantonales prévoyant une sanction pour violation à la loi cantonale d’aide sociale pourront continuer à s’appliquer, si elles ont un champ d’application encore plus large que le nouvel art. 148 CP (par exemple, lorsque la loi cantonale n’exige pas que le service d’aide sociale ait été induit en erreur ou conforté dans son erreur).

Entrée en vigueur

Le délai référendaire est échu depuis le 9 juillet 2015. Le Conseil fédéral fixera la date d’entrée en vigueur.

Le peuple se prononcera toutefois en principe à nouveau sur le sujet du « renvoi des étrangers criminels » en 2016 sur une « Initiative de mise en oeuvre » de l’UDC.

Artias – Yvan Fauchère