La redistribution par les impôts et transferts sociaux en Suisse
Dans un article récent[1], des chercheurs de la Haute école spécialisée bernoise et de l’Université de Berne[2] se penchent sur les inégalités de revenus et de fortune en Suisse avant et après les mécanismes de redistribution.
Les transferts sociaux soutiennent les revenus d’une grande partie de la population
Il y est rappelé que les transferts sociaux soutiennent les revenus de grands pans de la population. Sous ce terme générique cohabitent des prestations d’assurances sociales, qui ont pour objectif de remplacer un revenu en cas de survenance d’un risque (chômage, accident…) et des prestations sous condition de ressources, qui complètent les revenus insuffisants, comme le font les prestations complémentaires ou l’aide sociale.
Parmi la population active, les revenus du travail et de la fortune sont les plus importants. Plus les ménages sont pauvres, plus les revenus seront complétés par des prestations sous condition de ressources. Il faut rappeler que, pour les 5% les plus pauvres de la population, 71% des revenus proviennent des prestations sous condition de ressources et tout de même 19% du travail, ce qui met en lumière l’existence de « working poor ».
Après le départ à la retraite, les 15% des ménages les plus pauvres ne reçoivent qu’une rente marginale de la prévoyance professionnelle (qui constitue entre 2% et 4% de leurs revenus), alors que 30% à 75% de leurs revenus proviennent de l’AVS. Les prestations complémentaires en constituent aussi une part non négligeable.
La fortune ne joue un rôle important que pour la partie la plus riche de la population.
Importance et impacts des transferts
Soulignons également que, si l’on considère les transferts économiques dans leur ensemble, les 60% « les plus pauvres » de la population sont bénéficiaires du système, car ils perçoivent plus en termes de prestations sociales qu’ils ne paient. Ce n’est qu’ensuite que le rapport s’inverse. Pour les 10% les plus pauvres, le revenu après transferts double, en passant de 10’045.- à 26’200.- francs par an. Pour le groupe des plus riches, les revenus passent en moyenne de 167’580.- à 144’965.- francs par an.
Les prestations de transfert occasionnent 70% de l’effet redistributif total : les instruments les plus redistributifs sont les rentes de l’AVS et de l’AI, suivies par les prestations sous condition de ressources. Les 30% restants de l’effet redistributif sont imputables aux impôts, en particulier aux impôts directs.
Différences cantonales
Les auteurs de l’articles examinent également les différences cantonales en matière d’inégalités de revenus et de redistribution. Les différences entre les cantons d’Argovie, de Saint-Gall, de Lucerne et du Valais sont minimes. Dans le Canton de Genève, en revanche, l’on constate une inégalité très marquée des revenus des marchés (donc provenant du travail ou de la fortune) et une redistribution relativement forte, au moyen de prestations spécifiques sous condition de ressources. Toutefois, même après impôts et transferts, l’inégalité reste à un niveau élevé. Le Canton de Berne présente une inégalité de revenus plus élevées que les autres cantons alémaniques, qui devient comparable après impôts et transferts. Dans le Canton de Berne, l’effet redistributif des impôts est relativement important.
Perte de la réduction des inégalités par la fiscalité au fil des ans
Les auteurs soulignent enfin que l’effet redistributif des impôts est plus faible en Suisse que dans d’autres pays : cet état de fait peut être expliqué par la concurrence fiscale qui conduit à un affaiblissement de la progressivité des impôts. Dans ce contexte, le fait que les personnes disposant de revenus élevés puissent choisir leur lieu de résidence peut même rendre le système fiscal régressif dans son ensemble.
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[1] Social Change in Switzerland no. 28, Décembre 2021 : www.socialchangeswitzerland.ch
[2] Il s’agit de : Oliver Hümbelin, Rudolf Farys, Ben Jann et Olivier Lehmann.