Cette nouvelle a surtout suscité l’intérêt d’un public spécialisé : le 15 janvier 2025, le Conseil fédéral a annoncé la publication du projet de procédure d’assainissement des personnes surendettées[1]. À l’instar des entreprises, dont la faillite permet l’effacement des dettes, les particuliers surendettés doivent pouvoir envisager un avenir sans dettes.
Deux procédures visant à faciliter l’assainissement des personnes surendettées
Le Conseil fédéral propose d’introduire deux nouvelles procédures dans la Loi sur la poursuite pour dette et la faillite (LP) : une procédure concordataire simplifiée pour celles et ceux qui peuvent proposer un remboursement à leurs créancières et leurs créanciers et une procédure d’assainissement, sur le modèle de la faillite personnelle, pour celles et ceux qui n’ont pas cette possibilité. Dans cet article, nous ne traitons que de la deuxième procédure.
La reconnaissance du travail social en matière de gestion de dettes et de désendettement
Soulignons qu’avec son projet de loi, le Conseil fédéral reconnaît l’utilité des services non-lucratifs de gestion de dettes et de désendettement et du travail social qu’ils accomplissent avec les débitrices et les débiteurs surendettés. En effet, l’article 25 P-LP demande aux cantons de garantir l’accès à des services de conseil, publics ou privés, afin de soutenir les débiteurs et les débitrices dans les procédures d’accompagnement[2].
Une procédure ouverte à toutes les débitrices et tous les débiteurs durablement insolvables (art. 337 P-LP)
La procédure s’adresse aux personnes dont la situation est actuellement sans issue : il ne suffit pas de se trouver dans des difficultés financières passagères, mais de réaliser un revenu qui ne permet pas d’assainir sa situation dans un délai raisonnable. L’homologation d’un concordat et d’un règlement amiable des dettes doit être impossible, respectivement, la personne débitrice doit prouver qu’elle a tenté sérieusement de trouver un accord avec ses créancières et ses créanciers.
La débitrice ou le débiteur doit attester d’un budget équilibré au moment de la demande d’ouverture de la procédure (art. 337, al.3 let.c P-LP). En revanche, peu importe la nature des revenus : la procédure sera également ouverte en cas de perception d’aide sociale, et aussi en présence de prestations d’aide sociale remboursables (donc d’une dette d’aide sociale remboursable du fait de revenus de l’activité lucrative, telle que pratiquée dans dix cantons[3]).
Comme il s’agit d’une procédure d’assainissement au caractère exceptionnel, un délai de carence de dix ans est prévu, une fois la procédure terminée avec succès, avant de pouvoir à nouveau en bénéficier.
Plan d’assainissement, droit de recours des créancières et des créanciers et échec de la procédure d’assainissement
L’office compétent (qui sera déterminé par les cantons) établit un plan d’assainissement des dettes, en établissant des projections pour l’avenir. Le plan peut aussi prévoir, le cas échéant, un remboursement nul. Il rappelle les droits et les devoirs des débiteurs et des débitrices et indique les démarches que ces dernières ont prévu d’entreprendre pour réaliser des revenus[4].
Il permet d’obtenir une vue d’ensemble de la situation des débiteurs et des débitrices et, le cas échéant, à l’office compétent ou à une créancière ou un créancier de demander qu’il soit mis un terme à la procédure d’assainissement. Dans cette situation, la procédure de faillite ordinaire prendra le relai.
Une durée de trois ans qui tient compte des avis des praticiens et des expériences européennes
Le message fixe à trois ans la durée de la procédure, à partir de son ouverture. Cette durée tient compte non seulement des avis de la pratique, mais aussi des expériences réalisées dans les pays voisins, dans lesquels la durée des procédures d’assainissement ont été raccourcie pour arriver à trois ans[5].
Durant ces trois années, la personne débitrice sera soumise d’une part à une procédure de prélèvement, dans le cas où son budget présente un excédent de recettes. Il sera tenu compte des impôts courants. Enfin, pour tenir compte de la situation obérée des débitrices et des débiteurs, aucune avance de frais ne sera demandée et les frais de procédures seront réglés par les prélèvements, respectivement, effacés lors de la libération du solde de la dettes (art. 340 P-LP).
Obligations des débitrices et des débiteurs tout au long de la procédure d’assainissement
L’article 346 P-LP prévoit que le débiteur ou la débitrice doit s’efforcer de réaliser des revenus pendant la procédure d’assainissement et rendre compte de ses recherches à l’office compétent. Régulièrement, les créancières et les créanciers seront informés et recevront aussi d’éventuels remboursements. En cas de changement de la situation du débiteur, de la débitrice ou de sa famille, une pesée des intérêts sera effectuée. En tous cas, l’office accorde la possibilité de procéder à des dépenses inévitables (frais dentaires p.ex.) et tient compte du but de la procédure, qui consiste en le rétablissement économique de la personne débitrice[6]. Pendant toute cette période, l’office compétent peut proposer au ou à la juge de la faillite de mettre un terme à la procédure d’assainissement. Toutefois, le Conseil fédéral estime que ce cas de figure ne devrait se produire que dans les cas clairs[7].
Fin de la procédure d’assainissement et libération du solde de la dette
À la fin de la période de prélèvement, l’office dresse le tableau de distribution et établit un rapport destiné notamment aux créancières et aux créanciers pour avis (art. 349 P-LP). Ensuite, le ou la juge de la faillite prononce, le cas échéant, la libération du solde de la dette.
Les dettes exclues de la libération (art. 349b P-LP) sont les amendes, les peines pécuniaires et les sanctions administratives financières, dans la mesure où elles ont un caractère pénal, les prétentions en réparation morale, les contributions d’entretien et d’aliments découlant du droit de la famille, dans la mesure où elles n’ont pas été financées par la collectivité publique et les demandes de remboursement de prestations indues de l’aide sociale et des assurances sociales.
Soulignons que l’aide sociale légitimement perçue ne représente pas un obstacle à l’entrée dans la procédure d’assainissement, ni une exception à la libération du solde de la dette : ainsi, les bénéficiaires du dernier filet de la protection sociale ne seront pas d’office exclus de la possibilité de prendre un nouveau départ.
Enfin, les biens qui échoient au débiteur de manière extraordinaire après la fin de la procédure dans les cinq ans seront versés aux créancières et aux créanciers (art 350 P-LP).
Avec ce projet, la Loi sur la poursuite pour dettes et la faillite prévoit une porte de sortie au surendettement perpétuel des particuliers qui ne peuvent pas – ou plus – rembourser leurs dettes ou conclure un arrangement avec leurs créancières et leurs créanciers. Outre l’intérêt économique indéniable du projet, notamment pour les travailleuses et travailleurs indépendants cette nouvelle procédure répond à des préoccupations de politique sociale récurrente et apporte enfin une solution concrète à une situation trop souvent vécue comme sans issue.
Plus d’information sur le droit du travail dans notre veille législative: https://artias.ch/artias_veille/assainissement-des-particuliers-les-resultats-de-la-consultation/
Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Social >> Pauvreté >> Endettement
[1] https://www.bj.admin.ch/bj/fr/home/aktuell/mm.msg-id-103794.html, consulté le 20 janvier 2025.
[2] Nous espérons que la Confédération accompagnera cette exhortation d’une subvention pécuniaire visant à assurer l’égalité de traitement entre les débitrices et les débiteurs des différents cantons.
[3] Voir le rapport de la CSIAS « Monitoring de l’aide sociale » 2021, p.12, https://skos.ch/fileadmin/user_upload/skos_main/public/pdf/Publikationen/Monitoring/Monitoring-Bericht_2021_F.pdf, consulté le 20 janvier 2025.
[4] Message du Conseil fédéral concernant la modification de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (assainissement des dettes des personnes physiques) du 15 janvier 2025 (ci-après : message du Conseil fédéral), p.61.
[5] Message du Conseil fédéral, p.26s.,63s.
[6] Message du Conseil fédéral, p. 65.
[7] Message du Conseil fédéral, p.66.