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Le surendettement en chiffres : les statistiques 2022 de Dettes Conseils Suisse

Phénomène discret, habituellement sous les radars médiatiques et politiques, le surendettement des particuliers est pourtant fréquent : il concerne 15% des ménages selon l’Office fédéral de la statistique, respectivement 6% de la population selon l’agence privée de contrôle de solvabilité CRIF.

Une situation sans issue ?

Dettes Conseil Suisse (DCS) rappelle que le cadre légal actuel empêche un grand nombre de personnes surendettées d’assainir leur situation financière. Le Tribunal fédéral a pratiquement bouché l’accès à la faillite personnelle, les autres procédures d’assainissement selon la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite comportent également de nombreux obstacles, liés notamment à la capacité de remboursement.

Si les gens restent prisonniers de leurs dettes, cela implique qu’il y a des perdants : les débiteurs eux-mêmes, bien entendu, leur famille et leurs enfants, ainsi que les créanciers qui ne parviennent pas à se faire rembourser. Parmi ces derniers, l’Etat – et singulièrement les cantons – se trouvent en première ligne.

Familles monoparentales et enfants sur-représentés

Les statistiques de DCS nous apprennent que, parmi celles et ceux qui recherchent des conseils auprès des services spécialisés, les couples sans enfants sont sous-représentés et les personnes seules et les familles monoparentales sur-représentées, comme c’est le cas dans les études sur les personnes touchées par la pauvreté. De la même façon, les enfants forment 40% des personnes qui dépendent du revenu des ménages surendettés.

Les bas salaires comme facteur de risque numéro 1

Le revenu médian des personnes qui consultent un service spécialisé est de 4’350 francs, bien en-dessous du salaire médian de la population générale, qui s’élève à 6’665 francs. Une forte proportion des ménages surendettés perçoit des prestations d’assurance ou des prestations sociales, comme l’aide sociale par exemple.  La médiane des dettes, quant à elle, se monte à 37’370 francs, la moyenne à 67’138 francs.

L’Etat, le premier créancier

54% des dettes sont dues à l’Etat. Cette proportion augmente avec la durée de l’endettement : lorsque cette dernière est supérieure à dix ans, la part de l’Etat représente 68% des dettes. Cette évolution s’explique notamment par la non-prise en compte des impôts dans le minimum vital du droit des poursuites et la prise en charge, par les cantons, des actes de défaut de biens de l’assurance-maladie et des contributions d’entretien. Par ailleurs, plus l’endettement dure, plus il y a des risques que le recouvrement de certaines dettes soient confiées à des sociétés de recouvrement.

Les recommandations de Dettes Conseil Suisse

La spirale du surendettement ne constitue pas un état de fait naturel. Dettes Conseil Suisse propose trois améliorations systémiques permettant de prévenir les situations de surendettement et d’y mettre plus aisément un terme :

  • Introduction de procédures de libération des dettes restantes ;
  • Intégration des impôts courants dans le minimum vital du droit des poursuites ;
  • Prévention de l’endettement par l’exonération fiscale du minimum vital.

La faîtière souligne qu’à la situation sans issue des débiteurs correspond le manque à gagner des créanciers et en particulier des cantons et des communes.

> Pour plus d’informations, voir notre rubrique Social >> Pauvreté >> Endettement

À l’écoute des raisons du non-recours

Que disent celles et ceux qui refusent consciemment d’exercer des droits sociaux ? Quel message adressent ces personnes aux dispositifs pensés pour pallier un manque de revenu ? Tel est l’objet d’une thèse qui vient d’être publiée aux archives ouvertes de l’Université de Genève.

Son autrice, Frédérique Leresche, est ethnologue : elle est allée à la rencontre de potentiel-le-s non-bénéficiaires d’aides – et notamment de l’aide sociale – dans des lieux où ces personnes étaient susceptibles de se rendre. Son sujet d’étude : la non-demande de prestations sociales.

Sans s’arrêter aux motifs habituellement invoqués lorsqu’il est question de la non-demande, en particulier à la problématique de la stigmatisation, elle demande ce que les gens pensent vraiment des dispositifs auxquels ils ne recourent pas et quelles sont leurs attentes envers les systèmes de protection sociale.

Elle nous invite à faire un pas de côté, à nous décentrer de la conception des droits sociaux toujours considérés comme bons pour leurs destinataires. Or, certains d’entre eux ne se reconnaissent pas – ou pas complètement – dans les solutions proposées par les politiques sociales.

Elle constate que les personnes qui renoncent à leurs droits énoncent une critique de la construction des problèmes et de leur solution. Elles ne sont pas des victimes passives, mais font valoir un point de vue particulier sur leur situation : faire émerger ces discours cachés représentait l’un des enjeux de la recherche. Un autre était peut-être de souligner la dimension émotionnelle, corporelle, de ce que vivent les personnes qui ont livré leur histoire de vie à l’enquêtrice. Au-delà d’une appréhension du phénomène basée uniquement sur la raison, ce que ressentent les personnes dans leur chair lorsqu’elles ont froid ou faim construit leur rapport au monde et mérite attention.

Par ailleurs, elle remarque que, contrairement à leur énoncé, les droits ne sont pas universels et les personnes pas égales devant le non-recours. En particulier, les mères célibataires se retrouvent capturées par le droit et contraintes à vivre dans des formes de pauvreté laborieuse. Elle souligne le paradoxe selon lequel, pour gagner en autonomie, le retour sur le marché semble inévitable, alors qu’il signifie souvent (également) précarisation et marginalisation.

Les personnes de nationalité étrangère, quant à elles, se retrouvent contraintes de choisir entre l’exercice de certains droits sociaux et leur permis de séjour ou d’établissement, respectivement leur demande de naturalisation.

Frédérique Leresche termine sa thèse par des questions et des pistes pour la suite : elle souligne que l’invisibilité d’une pratique ne signifie pas pour autant qu’elle soit inexistante et que cette invisibilisation concerne aussi les individus. Ce n’est pas parce qu’un groupe d’individus n’est pas visible qu’il n’est pas présent ou qu’il n’est pas concerné par une problématique. Elle évoque ensuite la question des femmes et des enfants qui vivent sans domicile fixe ou dans des logements précaires.

D’une lecture agréable et fluide, cet ouvrage apporte un éclairage enrichissant sur la question du non-recours. Il est disponible en libre accès sur le site des archives ouvertes de l’Université de Genève : cliquez ici

L’autrice présente aussi les résultats de sa recherche dans une courte vidéo : cliquez ici

> Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Social >> Pauvreté

Le Conseil fédéral flexibilise les dispositions sur la durée du travail et du repos pour certaines entreprises de services

Le 1er juillet 2023, deux nouvelles dispositions[1] de l’Ordonnance relative à la loi sur le travail (OLT 2), adoptées par le Conseil fédéral entrent en vigueur[2]. Ces dernières flexibilisent massivement les conditions relatives à la durée du travail et du repos des travailleurs et travailleuses employé-e-s par les entreprises actives dans les technologies de l’information et de la communication (TIC) et par les entreprises de services dans les domaines de l’audit, de l’activité fiduciaire et du conseil fiscal.

Modifications concernant la première catégorie d’entreprises (TIC) :

Dorénavant, les travailleurs et travailleuses de ce secteur d’activité peuvent être appelé-e-s à travailler dans un intervalle de 17 heures (typiquement entre 6h00 et 23h00). L’intervalle de 14 heures[3] est ainsi prolongé de 3 heures. La durée maximale de travail par jour est de 13 heures (sans compter les pauses obligatoires : 1 heure pour une journée de travail de plus de 9 heures).

Le repos quotidien (normalement de 11 heures) des travailleurs et travailleuses peut être réduit à 9 heures plusieurs fois par semaine pour autant qu’il atteigne 11 heures en moyenne sur une période de quatre semaines. En outre, ce repos quotidien peut être interrompu par des activités liées à un projet ou une échéance. 

Ces dispositions ne s’appliquent pas au personnel administratif, aux mineurs ainsi qu’aux techniciens chargés d’activités artisanales (pose de câbles, etc.).

Modifications concernant la deuxième catégorie d’entreprises (audit, fiduciaire et conseil fiscal) :

Les supérieurs hiérarchiques ou les spécialistes du domaine, disposant d’une grande autonomie dans leur travail, dont le revenu annuel est supérieur à CHF 120’000.- (bonus compris) ou bénéficiant d’un diplôme supérieur (type bachelor) peuvent être soumis au régime d’horaire annualisé.

Ce modèle annualisé du temps de travail implique que les règles générales relatives à la durée maximum de la semaine de travail et au travail supplémentaire[4] ne s’appliquent pas. La durée du travail hebdomadaire est fixée à 45 heures au maximum en moyenne annuelle. Cependant, il devient légal de travailler jusqu’à 63 heures par semaines. En outre, il est admis que le solde des heures dépassant la durée annuelle maximale du travail atteigne 170 heures, ces heures devant être compensées par un congé d’au moins la même durée ou par un supplément de salaire d’au moins 25%. 

L’interdiction général du travail dominical n’est plus applicable en tant que telle à cette branche. Les entreprises peuvent ainsi demander à leurs employé-e-s de travailler neuf dimanches par an durant 5 heures au maximum sans requérir d’autorisation.

Par ailleurs, le repos quotidien des travailleurs et travailleuses est également réduit à 9 heures plusieurs fois par semaine, aux mêmes conditions que décrites ci-dessus.

L’application du régime d’horaire annualisé doit faire l’objet d’une convention écrite entre l’employé-e et l’employeur.

Commentaires SECO :

  • Art. 32b OLT 2 : Entreprises actives dans les technologies de l’information et de la communication.
  • Art. 34a OLT 2 : Entreprises de services dans les domaines de l’audit, de l’activité fiduciaire et du conseil fiscal.

Sur le même sujet, voir notre dossier de veille Durée de la journée et de la semaine de travail : quelle protection pour le personnel dirigeant et les spécialistes ?

> Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Travail >> Marché du travail


[1] Art. 32b OLT 2 et art. 34a OLT 2.

[2] L’adoption de ces dispositions fait suite à l’initiative parlementaire 16.414 Graber : « Introduire un régime de flexibilité partielle dans la loi sur le travail et maintenir des modèles de temps de travail éprouvés ».

[3] Art. 10 al. 3 LTr.

[4] Art. 9, 12 et 13 LTr.

Projet de révision de la rente de veuve et de veuf du Conseil fédéral

Faisant suite à la condamnation de la Suisse par la Cour européenne des droits de l’homme, le Conseil fédéral a adopté des propositions de mesures visant à rétablir l’égalité de droit entre les veufs et les veuves. L’exécutif de la Suisse a profité de cette révision pour réaliser des économies substantielles qui devraient se monter à CHF 810’000’000.- pour l’AVS et à CHF 160’000’000.- pour la Confédération. Ce projet sera mis en consultation en automne 2023.  

Tableaux des modifications proposées :

En outre, le Conseil fédéral prévoit une suppression, dans un délai de deux ans, des rentes de veuves et de veufs pour les actuels bénéficiaires âgés de moins de 55 ans (les bénéficiaires de rentes de veuve ou de veuf plus âgés bénéficient d’une garantie des droits acquis). Par ailleurs, il est prévu de maintenir les rentes de veuf et de veuve pour les rentiers actuels de 50 ans et plus qui perçoivent des prestations complémentaires à l’AVS.

Les autres droits supprimés aux veuves dont le communiqué de presse ne parle pas :

  • Suppression de la rente de veuve pour les épouses sans enfants ayant 45 ans révolus au moment du décès de leur conjoint et ayant été mariée durant 5 ans au moins ;
  • Suppression de la rente de veuve pour les femmes divorcées sans enfant ;
  • Suppression de la rente de veuve pour les femmes divorcées sans enfant à charge (sauf s’il existe une obligation d’entretien du défunt).

Sur le même sujet, voir notre dossier de veille Rente de veuf : la Cour européenne des droits de l’homme condamne la Suisse pour discrimination

> Pour d’autres d’informations, voir notre rubrique Social >> Assurances sociales >> Assurance-vieillesse et survivants

Genève : adoption de la loi sur l’aide sociale

Le 23 juin 2023, le Grand conseil a adopté à une large majorité (74 oui sur 100) la Loi sur l’aide sociale et la lutte contre la précarité (LASLP).

En renforçant l’investissement social, le projet vise à terme une diminution du nombre de bénéficiaires de l’aide sociale. En particulier, l’amélioration de la prise en charge des personnes concernées suit les axes suivants :

  • La prévention des situations de précarité et de pauvreté ;
  • Le soutien à la formation et à la reconversion professionnelle ;
  • L’appui à l’insertion sociale et professionnelle ;
  • Un meilleur soutien pour les personnes indépendantes ;
  • Une collaboration active avec les acteurs économiques et les associations professionnelles ;
  • Un renforcement de la collaboration et de la coordination interinstitutionnelles et communales pour prévenir le non-recours ;
  • Une meilleure prise en compte des besoins spécifiques des enfants et des familles.

Au Grand conseil, un seul amendement a été demandé et voté : l’évaluation de la loi a été ramenée à 3 ans au lieu des 5 ans prévus dans le projet.

Lien vers le dossier de presse du Conseil d’Etat du 4 mai 2022 : https://www.ge.ch/document/communique-hebdomadaire-du-conseil-etat-du-4-mai-2022#extrait-28540

Après dix ans en Suisse, la dépendance à l’aide sociale n’entraînera plus l’expulsion

Lors de sa dernière session, le Parlement fédéral a approuvé l’initiative parlementaire « La pauvreté n’est pas un crime ». Celle-ci vise à empêcher les révocations de permis pour cause de dépendance à l’aide sociale des personnes étrangères séjournant en Suisse de manière légale et ininterrompue depuis plus de dix ans.

En effet, depuis les durcissements de la Loi fédérales sur les étrangers et l’intégration (LEI) entrés en vigueur en 2019[1], les personnes étrangères devant recourir à l’aide sociale peuvent perdre leur droit au séjour et être renvoyés, et cela même si elles sont nées en Suisse où y vivent depuis longtemps. En raison de ce risque d’expulsion, de nombreux étrangers renoncent à l’aide sociale alors qu’ils en auraient besoin.

La Commission des institutions politiques du Conseil des Etats (CIP-E) doit maintenant élaborer un projet d’acte à soumettre aux Chambres dans un délai de deux ans.

> Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Migrations >> En général


[1] https://artias.ch/artias_veille/revision-sur-la-loi-federale-sur-les-etrangers-les-dispositions-concernant-lintegration-entrent-en-vigueur-au-1er-janvier-2019/, 19.06.2023.

Reconnaître les logements protégés dans les prestations complémentaires à l’AVS

Le Conseil fédéral a mis en consultation, jusqu’au 23 octobre 2023, une modification de la loi sur les prestations complémentaires visant au remboursement des prestations d’assistance devant favoriser l’autonomie des personnes âgées à leur domicile ou dans une forme institutionnalisée de logement protégé.

Le projet prévoit le remboursement des prestations suivantes :

  • système d’appel d’urgence ;
  • aide au ménage ;
  • service de repas ;
  • service de transport et d’accompagnement ;
  • adaptation du logement aux besoins des personnes âgées, et
  • supplément pour la location d’un logement adapté aux personnes âgées.

En outre, le Conseil fédéral souhaite que les bénéficiaires d’une contribution d’assistance puissent bénéficier d’un supplément pour la location d’une chambre supplémentaire destinée à la personne qui les assiste la nuit.

Enfin, le Conseil fédéral propose que le supplément pour la location d’un appartement permettant la circulation d’une chaise roulante ne soit plus divisé entre toutes les personnes habitant un même logement, mais pris uniquement en compte dans le calcul des prestations complémentaires de la personne en chaise roulante.

> Pour plus d’informations, voir notre rubrique Social >> Assurances sociales >> Assurance-vieillesse et survivants >> Prestations complémentaires


Prestations transitoires pour chômeurs et chômeuses âgé-e-s : la période de cotisation accomplie dans État membre de l’UE/AELE ne doit pas être prise en considération.

En matière d’assurance-chômage et en vertu des accords bilatéraux, les cotisations accomplies dans un pays membre de l’UE ou de l’AELE sont prises en compte dans le calcul total de la durée de cotisation si le dernier emploi soumis à cotisation a été exercé en Suisse. 

Dans un arrêt récent[1], le Tribunal fédéral a estimé que les prestations transitoires pour chômeurs et chômeuses âgé-e-s ne sont pas des prestations de chômage, mais des prestations de préretraite. En effet, selon notre Haute Cour, ces prestations ont un caractère plus assistanciel qu’assurantiel. En outre, elles sont réglées par une loi propre[2] et non dans le cadre de l’assurance-chômage.

Or, les accords bilatéraux ne prévoient pas une imputation des périodes de cotisation accomplies dans un Etat membre de l’UE ou de l’AELE si les prestations requises sont qualifiées de « préretraite ». Autrement dit, les 20 années minimales de cotisation exigées pour pouvoir prétendre aux prestations transitoires pour chômeurs et chômeuses âgé-e-s doivent toutes avoir été effectuées en Suisse.  

> Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Social >> Assurances sociales >> Assurance-chômage >> Prestations transitoires pour chômeurs âgés


[1] Arrêt 8C 670/2022 du 25 mai 2023, Communiqué de presse du TF.

[2] Loi fédérale sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés (LPtra).

La protection sociale éclairée par les statistiques

Que se passe-t-il dans les différentes branches de la sécurité sociale ? Que faisaient les assuré-e-s avant d’être au chômage, les bénéficiaires de l’aide sociale avant de recevoir des prestations et les rentiers de l’assurance-invalidité avant l’octroi d’une rente ? Quand en sortent-ils, et pour aller où ?

Ce sont les questions auxquelles répond l’étude « Parcours dans le système de sécurité sociale en 2021 », publiée par l’Office fédéral de la statistique.

Cette étude pose notamment la question des transitions entre assurance chômage (AC), assurance-invalidité (AI) et aide sociale (AS) et des relations des ces branches de la sécurité sociale entre elles et cherche à mettre en lumière les parcours au sein du « système ASAIAC », qui peuvent prendre en charge les mêmes personnes, simultanément ou successivement.

L’étude porte sur les bénéficiaires de 18 à 65 ans dont le domicile permanent se trouve en Suisse ; aucune donnée ne concerne donc les enfants mineurs, qui forment environ le tiers des bénéficiaires de l’aide sociale.

Nombre de bénéficiaires par branche de la sécurité sociale

Tout d’abord, l’on constate qu’en 2021, 12,7% de la population de référence a perçu l’une des prestations (AC – AI – AS) durant au moins un mois. Parmi elle, 5,6% a perçu uniquement des indemnités journalières de l’assurance-chômage ; 3,9% uniquement une rente AI et 2,7% uniquement une prestation de l’aide sociale. Le nombre de bénéficiaires total en 2021 est en léger recul par rapport aux années précédentes, ce qui est dû à un recul du nombre de bénéficiaires des prestations d’aide sociale. Le nombre de rentiers AI a connu une légère augmentation et, après la hausse importante du nombre d’assuré-e-s au chômage lors du COVID, en 2021, l’on constate une stabilisation de leur nombre à un haut niveau.

Lorsque l’on réfléchit en termes de durée de perception de la prestation dans l’année, l’on constate que la durée moyenne, en mois, de perception d’une rente AI pour l’année 2021 est de 11,5 mois alors que celle de l’assurance-chômage est de 6 mois. Pour l’aide sociale, la durée moyenne de perception par année est de 10,4 mois.

Beaucoup de personnes soutenues par l’une de ces prestations travaillent : la part de prestations mensuelles (AS – AI – AC) perçues en parallèle d’un revenu de travail est de 27,8%, dont 32,5% des personnes au chômage, 26,5% des rentières et rentiers AI et 24,8% des personnes à l’aide sociale.

Maintien dans une prestation

Cette étude permet aussi de « suivre » les bénéficiaires d’une prestation dans le temps : 60,8% des assuré-e-s percevaient encore des indemnités journalières de l’assurance-chômage six mois après leur entrée, un taux logiquement plus bas, en raison de la limitation des prestations dans le temps, que pour les rentières et rentiers AI (95,5%), mais aussi que pour les personnes à l’aide sociale (74,6%). Après deux ans, le taux de personnes « restantes » était de 16,5% pour l’assurance-chômage, contre 83,6% pour les rentières et rentiers AI et 41,8% pour les personnes à l’aide sociale.

Toutefois, toutes les personnes assurées ne sont pas égales au regard du taux de sortie : les personnes de nationalité étrangère restent plus longtemps à l’assurance-chômage que les Suisses, tout comme les chômeuses et chômeurs âgé-e-s. Certain-e-s assuré-e-s touchent à nouveau une prestation dans les 12 mois après la sortie : cela concerne 22,5% des personnes au chômage et 14,5% des bénéficiaires de l’aide sociale. Le taux de retour des rentières et rentiers AI est très faible, avec 2,0%.

Situation avant l’entrée dans un dispositif

Dans les six mois avant de percevoir une prestation, la majorité des personnes n’en touchait aucune. Par ailleurs, la situation avant l’entrée dans une prestation diffère de l’une à l’autre : avant l’entrée à l’assurance-chômage, 88,3% des assuré-e-s occupaient un emploi. Avant l’entrée à l’assurance-invalidité, un petit tiers exerçait une activité rémunérée durant au moins un mois au cours des derniers six mois et un quart d’entre-elles percevait de l’aide sociale. Enfin, un tiers des rentiers et rentières AI ne percevaient ni revenu de travail, ni une autre prestation avant l’octroi de la rente AI.

Enfin, avant l’entrée à l’aide sociale, un tiers des personnes vivaient uniquement du revenu de leur travail. 17,5% percevaient des indemnités journalières de l’assurance-chômage (avec ou sans activité lucrative parallèle). Un peu moins de la moitié des personnes qui ont perçu des prestations de l’assurance-chômage uniquement ont été en fin de droit avant de s’adresser à l’aide sociale. Les personnes qui passent directement d’une rente AI à des prestations de l’aide sociale sont très peu nombreuses (2%). Enfin, avant d’arriver à l’aide sociale, plus d’un tiers des personnes se trouvaient dans la catégorie « autres », c’est-à-dire ne percevaient ni revenu du travail, ni prestation de l’AC ou de l’AI.

 Et à la sortie ?

À peu près quatre personnes au chômage sur cinq retrouvent du travail alors que dix pour cent d’entre elles se retrouvent en fin de droits. Parmi ces dernières, 43,5% retravaillent durant au moins un mois et ne perçoivent aucune prestation de l’AI ou de l’aide sociale au cours des six mois suivant leur sortie ; 12% ont un travail et perçoivent une prestation et 13,7% sont à l’aide sociale.

En ce qui concerne l’assurance-invalidité, 67,2% des rentières et rentiers passent à l’AVS ; 18,3% meurent et 8,2% quittent la Suisse.

Enfin, 45,9% des bénéficiaires de l’aide sociale ont perçu un revenu du travail durant au moins un mois dans les six mois suivant leur sortie, sans percevoir d’autre prestations de l’AI ou de l’AC ; 11,8% se retrouvent à l’assurance-chômage, avec ou sans travail parallèle et 21,8% « dans une autre situation », et sortent par conséquent du champ de vision du « système ASAIAC ».

Parcours dans les prestations

72% des personnes perçoivent une seule prestation avec un épisode unique ; 20,6% perçoivent également une seule prestation, mais connaissent au moins un départ, puis un retour dans cette prestation dans une période de deux ans ; enfin, 7,4% perçoivent au moins deux prestations dans ce même laps de temps.

La plupart des personnes (plus de 9 sur 10) percevant une seule prestation, mais avec un retour ressortent de l’assurance-chômage ; le dernier dixième se trouve à l’aide sociale. Parmi les profils multi-prestations, la combinaison de l’assurance-chômage et de l’aide sociale est la plus fréquente, suivie de la combinaison assurance-invalidité – aide sociale, puis de celle assurance-chômage – AI.

Remarques du point de vue de l’aide sociale

Du point de vue de l’aide sociale et des répercussions des transferts des assurances sociales sur le « dernier filet » de la sécurité sociale, l’on peut regretter que les transferts entre les sous-systèmes soient examinés sur une période de six mois, trop courte pour rendre compte d’un transfert d’une assurance sociale vers l’aide sociale, en raison des conditions d’entrée dans cette dernière (notamment de revenu et de fortune).

Par ailleurs, la catégorie « autre », c’est-à-dire les personnes qui n’exercent pas d’activité rémunérée, ni bénéficie d’une des trois prestations sociales mériterait d’être affinée, pour ce qui est de la compréhension des mouvements vers et depuis l’aide sociale. En effet, cette prestation n’est pas une assurance et suit par conséquent une logique différente. En particulier, si elle est possible, la prise en compte de la situation de l’unité d’assistance dans son ensemble ou la prise en considération des raisons de l’arrivée à l’aide sociale, comme les divorces ou les séparations, permettrait de déterminer de manière plus complète les risques de perception de cette prestation.

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L’aide sociale en Suisse 2000-2022. Chronologie des transformations. Intervention et décisions aux niveaux fédéral, cantonal et communal.

La troisième édition, actualisée et complétée, de la Chronologie des transformations dans l’aide sociale en Suisse vient d’être publiée. Elle est consultable en libre accès sur le site d’AvenirSocial. 

L’auteure, Véréna Keller, retrace l’historique des décisions prises, par les communes, les cantons et la Confédération dans des domaines ayant trait à l’aide sociale de l’an 2000 à 2022. En plaçant ces décisions dans leur contexte temporel, géographique et politique, ce travail permet de mettre en évidence les tendances à l’œuvre dans les modifications législatives et réglementaires intervenues ces dernières décennies en matière d’aide sociale. Tendances qui, la plupart du temps, mais pas toujours, conduisent à un durcissement des conditions d’accès à l’aide sociale, à une augmentation des devoirs des bénéficiaires et à une restriction des prestations.

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