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L’âge de la retraite ne fait pas obstacle à la prise en charge d’un traitement ou des soins par l’assurance-accident.

Les personnes assurées contre les conséquences des maladies et des accidents professionnels peuvent exceptionnellement se voir accorder par l’assurance-accident, en sus de la rente, la prise en charge d’un traitement ou des soins de longue durée. Tel est le cas si ces traitements ou soins permettent de maintenir une capacité de travail résiduel (art. 21 al. 1 let. c LAA).

Dans un arrêt récent (8C_620/2022 du 21.09.23 (d), le Tribunal fédéral a désavoué l’assurance-accident AXA qui avait stoppé la prise en charge d’une physiothérapie à long terme au motif que son assurée avait atteint l’âge ordinaire de la retraite. En effet, selon notre Haute Cour, aucune base légale ne justifie cette pratique. Par conséquent, l’assurance-accident demeure tenue de prendre en charge les coûts de la physiothérapie de son assurée, même au-delà de l’âge de la retraite.

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Victimes de violence domestique de nationalité étrangère : amélioration de la protection du droit de séjour en vue

Tel est l’objectif visé par un projet de modification de la Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI), adopté par la Commission des institutions politiques du Conseil national. Il sera soumis au Conseil national lors de la session d’hiver 2023.

Actuellement, la LEI ne garantit que les droits de séjour des conjointes ou conjoints de personnes suisses ou titulaires d’un permis C (autorisation d’établissement). Le projet prévoit de protéger aussi les personnes titulaires d’un permis B (autorisation de séjour), d’un permis L (autorisation de courte durée) et F (admission provisoire). De plus, tant les personnes mariées que les concubins et celles vivant en partenariat enregistré bénéficieront de cette meilleure prise en compte de leur situation.

La notion de violence domestique sera également précisée dans la loi.

Les cantons seront chargés d’appliquer la nouvelle réglementation dans les cas concrets. Comme actuellement, le Secrétariat d’Etat aux migrations devra donner son approbation.

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Assurance-invalidité – Le Conseil fédéral a dit : dix pour cent, c’est suffisant !

Modification du règlement sur l’assurance-invalidité : du nouveau dans le calcul du revenu après invalidité.

Qui demande une rente AI après avoir exercé une activité lucrative est concerné par le sujet : comme l’assurance-invalidité vise à couvrir, dans ces situations, la perte de gain, le taux d’invalidité est déterminé par comparaison entre d’une part, le revenu avant invalidité et d’autre part, le revenu après la survenance de celle-ci.

Cette méthode est aussi applicable en cas de travail à temps partiel, elle est toutefois combinée à l’examen de travaux habituels effectués par la personne assurée dans son ménage[1].

L’une des problématiques que pose la comparaison des revenus est de savoir quel revenu après invalidité retenir, lorsque la personne assurée n’en exerce plus, mais pourrait, selon l’AI, tout de même travailler dans une activité adaptée. Actuellement, les Offices AI utilisent les données sur le salaire médian de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) pour déterminer la hauteur du revenu hypothétique après invalidité.

Le salaire est-il le même après et avant l’invalidité ?

Depuis de nombreuses années, il est reconnu que les salaires de l’ESS sont trop élevés et qu’il faudrait des tabelles spécifiques pour déterminer les revenus hypothétiques après invalidité.

De nombreuses praticiennes et praticiens et des experts et expertes reconnues ont proposé de calculer le revenu hypothétique après invalidité selon des méthodes estimant plus justement les salaires que les personnes atteintes dans leur santé peuvent réaliser. En particulier, Gabriela Riemer-Kafka et Urban Schwegler ont proposé, en 2021, une méthode permettant de tenir compte des répercussions de l’invalidité sur les possibilités de gain[2]. La même année, l’assurance de protection juridique Coop a organisé un symposium sur la même problématique, en proposant à nouveau une alternative étayée[3].

Dans un arrêt récent[4], le Tribunal fédéral a été saisi par une personne assurée, qui lui a notamment demandé de se prononcer sur la légalité de l’ESS comme base de calcul pour déterminer le salaire hypothétique après invalidité.

Même si la Haute cour a affirmé à plusieurs reprises que l’utilisation des barèmes de l’ESS représentait une solution transitoire[5], il a refusé de modifier ce mode de calcul, estimant qu’il revenait au législateur de le faire.

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national demande d’opter pour des barèmes correspondant à l’invalidité

En mars 2022, la CSSS-N dépose une motion demandant au Conseil fédéral d’instaurer une base de calcul tenant compte des possibilités de revenu réelles des personnes atteintes dans leur santé, en lui demandant d’intégrer la solution proposée par Gabriela Riemer-Kafka et Urban Schwegler. Cette motion a été adoptée en fin d’année 2022 par les deux conseils.

La réponse du Conseil fédéral est-elle conforme à la volonté du Parlement ?

En réponse à la motion 22.3377, le Conseil fédéral décide d’appliquer une déduction forfaitaire de 10% aux tabelles de l’ESS. Dans son communiqué de presse, le Conseil fédéral relève que le groupe de travail de spécialistes mis en place par l’OFAS[6] et l’OFSP[7]a estimé que « l’élaboration de barèmes salariaux adaptés est une tâche très exigeante qui serait impossible à réaliser rapidement ». L’abattement de 10% s’appliquera au calcul des nouvelles rentes ainsi qu’aux rentes en cours, qui devront être révisées dans les trois ans. Si, du fait de l’invalidité, l’assuré ne peut travailler qu’avec une capacité fonctionnelle de 50% ou moins, l’on opère une déduction de 20%. Aucune déduction supplémentaire n’est possible.

Les dispositions transitoires prévoient que si la révision devait conduire à une diminution ou à une suppression de la rente, il y sera renoncé. Par contre, si elle devait conduire à une augmentation de cette dernière, elle prendra effet à l’entrée en vigueur de la modification du RAI. Par ailleurs, lorsque l’octroi d’une rente ou d’un reclassement avait été refusé avant l’entrée en vigueur de cette modification en raison d’un taux d’invalidité insuffisant, une nouvelle demande n’est examinée que s’il est établi que le calcul aboutirait cette fois à la reconnaissance d’un droit à la rente ou d’un reclassement.

Le Conseil fédéral s’appuie sur les résultats de la procédure de consultation publique[8] pour justifier sa décision. Or, de nombreuses prises de position soulignent d’une part l’inadéquation de l’ESS pour rendre compte de la réalité de revenus qui peuvent être réalisés après une atteinte à la santé et demandent un barème de salaire fondé sur le modèle développé par Gabriela Riemer-Kafka et Urban Schwegler. D’autre part, la grande majorité des participants qui se déclarent favorables à l’introduction d’une déduction forfaitaire trouvent celle proposée par le Conseil fédéral trop basse. En effet, des études statistiques montrent que la différence entre les salaires des personnes bien portantes et des personnes atteintes dans leur santé se monte à 17% et non 10%[9].

La modification du règlement sur l’assurance-invalidité entrera en vigueur au 1er janvier 2024.

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[1] Il s’agit de la méthode mixte. Voir par exemple, https://www.proinfirmis.ch/fr/guide-juridique/rentes-et-prestations-complementaires/notion-dinvalidite-et-evaluation-de-linvalidite.html, 23.10.2023.

[2] Gabriela Riemer-Kafka, Urban Schwegler: Der Weg zu einem invaliditätskonformeren Tabellenlohn. In: SZS 6/2021, p. 287-319.

[3] https://www.wesym.ch/de/home, 23.10.2023. Dans ce cadre était présenté une étude du bureau BASS et un avis de droit. L’étude du bureau BASS: Jürg Guggisberg (et al.) : Invaliditätsbemessung mittels Tabellenlöhnen der Lohnstrukturerhebung, 02/2021, https://www.buerobass.ch/kernbereiche/projekte/invaliditaetsbemessung-mittels-tabellenloehnen-der-lohnstrukturerhebung-lse/project-view; l’avis de droit: Thomas Gächter (et al.): Grundprobleme der Invaliditätsbemessung in der Invalidenversicherung, 22.01.2021, https://www.wesym.ch/de/rechtsgutachten, 23.10.2023.

[4] ATF 148 V 174, 8C_256/2021 du 9 mars 2022. Cet arrêt a fait l’objet d’un document de Veille Artias : https://artias.ch/artias_veille/calcul-du-degre-dinvalidite-le-tribunal-federal-renvoie-la-question-au-legislateur/, 23.10.2023.

[5] ATF 139 V 592 consid. 7.4., ATF 142 V 178.

[6] Office fédéral des assurances sociales.

[7] Office fédéral de la santé publique.

[8] https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/83493.pdf, 23.10.2023.

[9] OFAS : Modification du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité (RAI), mise en œuvre de la motion CSSS-N 22.3377 « utiliser des barèmes de salaires correspondant à l’invalidité dans le calcul du taux d’invalidité ». Rapport sur les résultats de consultation, octobre 2023, p.4/19.

Changement de franchise et de formes d’assurance en cours d’année : mise en consultation des modifications de l’OAMal

Le Conseil fédéral met en consultation, jusqu’au 1er février 2024, sa proposition de modifier l’ordonnance sur l’assurance maladie (OAMal) qui entend, notamment, donner la possibilité aux assuré-e-s de changer de franchise et de formes d’assurance en cours d’année (actuellement ces changements ne peuvent s’effectuer qu’en fin d’année civile). 

Pour le Conseil fédéral, les aléas de la vie tels qu’un déménagement dans une région où le montant des primes est plus élevé, le chômage ou le commencement d’une formation continue peuvent mettre les assuré-e-s en difficulté financière. Il souhaite donc leur accorder la possibilité d’adopter un modèle d’assurance plus avantageux en leur permettant, en cours d’année civile, d’une part, d’augmenter leur franchise (maximum 2’500 francs), et d’autre part de changer de forme d’assurance (par exemple en passant du libre choix du fournisseur de prestation au modèle de médecin de famille, HMO ou premier conseil par téléphone).

En revanche, la modification proposée ne permet pas de diminuer sa franchise en cours d’année. De même, lorsque l’assuré-e bénéficie déjà d’une forme particulière d’assurance avec choix limité des fournisseurs, elle exclut le passage à une autre forme particulière d’assurance en cours d’année (par exemple passer du modèle médecin de famille au modèle HMO).

De plus, le Conseil fédéral n’a pas jugé opportun de donner la possibilité aux assuré-e-s de changer de caisse maladie durant l’année civile en cours.

Communiqué : modifications de l’ordonnance sur l’assurance-maladie : ouverture de la consultation

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Deux observatoires dédiés aux enfants et à la jeunesse.

Deux entités indépendantes ont été récemment créées: il s’agit de l’observatoire latin de l’enfance et de la jeunesse (OLEJ) et de l’observatoire des politiques de l’enfance, de la jeunesse et de la famille (OPEJF).

L’évènement de lancement de l’observatoire latin de l’enfance et de la jeunesse a eu lieu le 30 août 2023. Il est issu d’une initiative de la Fondation Isabelle Hafen et réunit, dans son conseil de fondation, en grande partie des chef-fe-s de service des domaines liés à l’enfance et à la jeunesse. Son objectif est de développer des bases scientifiques et des propositions à l’adresse des cantons.

Plus d’informations sur le site de l’OLEJ ainsi que dans cet article de Reiso

L’observatoire des politiques de l’enfance, de la jeunesse et de la famille, quant à lui, est rattaché à la Haute école de travail social (HETS) et à la Haute école de santé (HEdS) de Genève. Ancré dans le Canton de Genève, cet observatoire inauguré en 2022 développe une approche transversale des enjeux contemporains associés à l’enfance, la jeunesse et la famille.

Plus d’informations sur le site de la HETS.  

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Assurance-chômage pour les personnes ayant une position assimilable à celle d’un employeur. Avant-projet en consultation

Actuellement, les personnes qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur ainsi que leurs conjoint-e-s qui travaillent dans l’entreprise sont tenues de cotiser à l’assurance-chômage en tant que salarié-e-s. Cependant, ces personnes n’ont droit aux indemnités chômage qu’après avoir abandonné définitivement leur position assimilable à celle d’un employeur, c’est-à-dire après avoir démissionné du conseil d‘administration, vendu leurs actions, vendu leur entreprise, ou procédé à une liquidation et que le processus est terminé. Avant cela, le droit aux indemnités leur est refusé.

Donnant suite à l’initiative parlementaire 20.406 Silberschmidt, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a adopté, le 3 juillet 2023, un avant-projet de modification de la loi sur l’assurance-chômage (LACI) dont le but est de mieux assurer les personnes ayant une position assimilable à celle d’un employeur et leurs conjoint-e-s travaillant dans l’entreprise en cas de chômage.

Cette commission propose deux solutions. La première solution, soutenue par la majorité, prévoit que les personnes concernées puissent bénéficier d’indemnités de chômage, au même titre que les autres travailleurs, si, notamment, elles ont travaillé au moins deux ans dans l’entreprise avant de perdre leur emploi. La deuxième solution, soutenue par une minorité, consiste à libérer totalement ces personnes de l’obligation de cotiser à l’assurance-chômage.

L’avant-projet de modification de la loi sur l’assurance-chômage (LACI) est mis en consultation jusqu’au 24.11.2023.

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Le surendettement en chiffres : les statistiques 2022 de Dettes Conseils Suisse

Phénomène discret, habituellement sous les radars médiatiques et politiques, le surendettement des particuliers est pourtant fréquent : il concerne 15% des ménages selon l’Office fédéral de la statistique, respectivement 6% de la population selon l’agence privée de contrôle de solvabilité CRIF.

Une situation sans issue ?

Dettes Conseil Suisse (DCS) rappelle que le cadre légal actuel empêche un grand nombre de personnes surendettées d’assainir leur situation financière. Le Tribunal fédéral a pratiquement bouché l’accès à la faillite personnelle, les autres procédures d’assainissement selon la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite comportent également de nombreux obstacles, liés notamment à la capacité de remboursement.

Si les gens restent prisonniers de leurs dettes, cela implique qu’il y a des perdants : les débiteurs eux-mêmes, bien entendu, leur famille et leurs enfants, ainsi que les créanciers qui ne parviennent pas à se faire rembourser. Parmi ces derniers, l’Etat – et singulièrement les cantons – se trouvent en première ligne.

Familles monoparentales et enfants sur-représentés

Les statistiques de DCS nous apprennent que, parmi celles et ceux qui recherchent des conseils auprès des services spécialisés, les couples sans enfants sont sous-représentés et les personnes seules et les familles monoparentales sur-représentées, comme c’est le cas dans les études sur les personnes touchées par la pauvreté. De la même façon, les enfants forment 40% des personnes qui dépendent du revenu des ménages surendettés.

Les bas salaires comme facteur de risque numéro 1

Le revenu médian des personnes qui consultent un service spécialisé est de 4’350 francs, bien en-dessous du salaire médian de la population générale, qui s’élève à 6’665 francs. Une forte proportion des ménages surendettés perçoit des prestations d’assurance ou des prestations sociales, comme l’aide sociale par exemple.  La médiane des dettes, quant à elle, se monte à 37’370 francs, la moyenne à 67’138 francs.

L’Etat, le premier créancier

54% des dettes sont dues à l’Etat. Cette proportion augmente avec la durée de l’endettement : lorsque cette dernière est supérieure à dix ans, la part de l’Etat représente 68% des dettes. Cette évolution s’explique notamment par la non-prise en compte des impôts dans le minimum vital du droit des poursuites et la prise en charge, par les cantons, des actes de défaut de biens de l’assurance-maladie et des contributions d’entretien. Par ailleurs, plus l’endettement dure, plus il y a des risques que le recouvrement de certaines dettes soient confiées à des sociétés de recouvrement.

Les recommandations de Dettes Conseil Suisse

La spirale du surendettement ne constitue pas un état de fait naturel. Dettes Conseil Suisse propose trois améliorations systémiques permettant de prévenir les situations de surendettement et d’y mettre plus aisément un terme :

  • Introduction de procédures de libération des dettes restantes ;
  • Intégration des impôts courants dans le minimum vital du droit des poursuites ;
  • Prévention de l’endettement par l’exonération fiscale du minimum vital.

La faîtière souligne qu’à la situation sans issue des débiteurs correspond le manque à gagner des créanciers et en particulier des cantons et des communes.

> Pour plus d’informations, voir notre rubrique Social >> Pauvreté >> Endettement

À l’écoute des raisons du non-recours

Que disent celles et ceux qui refusent consciemment d’exercer des droits sociaux ? Quel message adressent ces personnes aux dispositifs pensés pour pallier un manque de revenu ? Tel est l’objet d’une thèse qui vient d’être publiée aux archives ouvertes de l’Université de Genève.

Son autrice, Frédérique Leresche, est ethnologue : elle est allée à la rencontre de potentiel-le-s non-bénéficiaires d’aides – et notamment de l’aide sociale – dans des lieux où ces personnes étaient susceptibles de se rendre. Son sujet d’étude : la non-demande de prestations sociales.

Sans s’arrêter aux motifs habituellement invoqués lorsqu’il est question de la non-demande, en particulier à la problématique de la stigmatisation, elle demande ce que les gens pensent vraiment des dispositifs auxquels ils ne recourent pas et quelles sont leurs attentes envers les systèmes de protection sociale.

Elle nous invite à faire un pas de côté, à nous décentrer de la conception des droits sociaux toujours considérés comme bons pour leurs destinataires. Or, certains d’entre eux ne se reconnaissent pas – ou pas complètement – dans les solutions proposées par les politiques sociales.

Elle constate que les personnes qui renoncent à leurs droits énoncent une critique de la construction des problèmes et de leur solution. Elles ne sont pas des victimes passives, mais font valoir un point de vue particulier sur leur situation : faire émerger ces discours cachés représentait l’un des enjeux de la recherche. Un autre était peut-être de souligner la dimension émotionnelle, corporelle, de ce que vivent les personnes qui ont livré leur histoire de vie à l’enquêtrice. Au-delà d’une appréhension du phénomène basée uniquement sur la raison, ce que ressentent les personnes dans leur chair lorsqu’elles ont froid ou faim construit leur rapport au monde et mérite attention.

Par ailleurs, elle remarque que, contrairement à leur énoncé, les droits ne sont pas universels et les personnes pas égales devant le non-recours. En particulier, les mères célibataires se retrouvent capturées par le droit et contraintes à vivre dans des formes de pauvreté laborieuse. Elle souligne le paradoxe selon lequel, pour gagner en autonomie, le retour sur le marché semble inévitable, alors qu’il signifie souvent (également) précarisation et marginalisation.

Les personnes de nationalité étrangère, quant à elles, se retrouvent contraintes de choisir entre l’exercice de certains droits sociaux et leur permis de séjour ou d’établissement, respectivement leur demande de naturalisation.

Frédérique Leresche termine sa thèse par des questions et des pistes pour la suite : elle souligne que l’invisibilité d’une pratique ne signifie pas pour autant qu’elle soit inexistante et que cette invisibilisation concerne aussi les individus. Ce n’est pas parce qu’un groupe d’individus n’est pas visible qu’il n’est pas présent ou qu’il n’est pas concerné par une problématique. Elle évoque ensuite la question des femmes et des enfants qui vivent sans domicile fixe ou dans des logements précaires.

D’une lecture agréable et fluide, cet ouvrage apporte un éclairage enrichissant sur la question du non-recours. Il est disponible en libre accès sur le site des archives ouvertes de l’Université de Genève : cliquez ici

L’autrice présente aussi les résultats de sa recherche dans une courte vidéo : cliquez ici

> Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Social >> Pauvreté

Le Conseil fédéral flexibilise les dispositions sur la durée du travail et du repos pour certaines entreprises de services

Le 1er juillet 2023, deux nouvelles dispositions[1] de l’Ordonnance relative à la loi sur le travail (OLT 2), adoptées par le Conseil fédéral entrent en vigueur[2]. Ces dernières flexibilisent massivement les conditions relatives à la durée du travail et du repos des travailleurs et travailleuses employé-e-s par les entreprises actives dans les technologies de l’information et de la communication (TIC) et par les entreprises de services dans les domaines de l’audit, de l’activité fiduciaire et du conseil fiscal.

Modifications concernant la première catégorie d’entreprises (TIC) :

Dorénavant, les travailleurs et travailleuses de ce secteur d’activité peuvent être appelé-e-s à travailler dans un intervalle de 17 heures (typiquement entre 6h00 et 23h00). L’intervalle de 14 heures[3] est ainsi prolongé de 3 heures. La durée maximale de travail par jour est de 13 heures (sans compter les pauses obligatoires : 1 heure pour une journée de travail de plus de 9 heures).

Le repos quotidien (normalement de 11 heures) des travailleurs et travailleuses peut être réduit à 9 heures plusieurs fois par semaine pour autant qu’il atteigne 11 heures en moyenne sur une période de quatre semaines. En outre, ce repos quotidien peut être interrompu par des activités liées à un projet ou une échéance. 

Ces dispositions ne s’appliquent pas au personnel administratif, aux mineurs ainsi qu’aux techniciens chargés d’activités artisanales (pose de câbles, etc.).

Modifications concernant la deuxième catégorie d’entreprises (audit, fiduciaire et conseil fiscal) :

Les supérieurs hiérarchiques ou les spécialistes du domaine, disposant d’une grande autonomie dans leur travail, dont le revenu annuel est supérieur à CHF 120’000.- (bonus compris) ou bénéficiant d’un diplôme supérieur (type bachelor) peuvent être soumis au régime d’horaire annualisé.

Ce modèle annualisé du temps de travail implique que les règles générales relatives à la durée maximum de la semaine de travail et au travail supplémentaire[4] ne s’appliquent pas. La durée du travail hebdomadaire est fixée à 45 heures au maximum en moyenne annuelle. Cependant, il devient légal de travailler jusqu’à 63 heures par semaines. En outre, il est admis que le solde des heures dépassant la durée annuelle maximale du travail atteigne 170 heures, ces heures devant être compensées par un congé d’au moins la même durée ou par un supplément de salaire d’au moins 25%. 

L’interdiction général du travail dominical n’est plus applicable en tant que telle à cette branche. Les entreprises peuvent ainsi demander à leurs employé-e-s de travailler neuf dimanches par an durant 5 heures au maximum sans requérir d’autorisation.

Par ailleurs, le repos quotidien des travailleurs et travailleuses est également réduit à 9 heures plusieurs fois par semaine, aux mêmes conditions que décrites ci-dessus.

L’application du régime d’horaire annualisé doit faire l’objet d’une convention écrite entre l’employé-e et l’employeur.

Commentaires SECO :

  • Art. 32b OLT 2 : Entreprises actives dans les technologies de l’information et de la communication.
  • Art. 34a OLT 2 : Entreprises de services dans les domaines de l’audit, de l’activité fiduciaire et du conseil fiscal.

Sur le même sujet, voir notre dossier de veille Durée de la journée et de la semaine de travail : quelle protection pour le personnel dirigeant et les spécialistes ?

> Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Travail >> Marché du travail


[1] Art. 32b OLT 2 et art. 34a OLT 2.

[2] L’adoption de ces dispositions fait suite à l’initiative parlementaire 16.414 Graber : « Introduire un régime de flexibilité partielle dans la loi sur le travail et maintenir des modèles de temps de travail éprouvés ».

[3] Art. 10 al. 3 LTr.

[4] Art. 9, 12 et 13 LTr.

Projet de révision de la rente de veuve et de veuf du Conseil fédéral

Faisant suite à la condamnation de la Suisse par la Cour européenne des droits de l’homme, le Conseil fédéral a adopté des propositions de mesures visant à rétablir l’égalité de droit entre les veufs et les veuves. L’exécutif de la Suisse a profité de cette révision pour réaliser des économies substantielles qui devraient se monter à CHF 810’000’000.- pour l’AVS et à CHF 160’000’000.- pour la Confédération. Ce projet sera mis en consultation en automne 2023.  

Tableaux des modifications proposées :

En outre, le Conseil fédéral prévoit une suppression, dans un délai de deux ans, des rentes de veuves et de veufs pour les actuels bénéficiaires âgés de moins de 55 ans (les bénéficiaires de rentes de veuve ou de veuf plus âgés bénéficient d’une garantie des droits acquis). Par ailleurs, il est prévu de maintenir les rentes de veuf et de veuve pour les rentiers actuels de 50 ans et plus qui perçoivent des prestations complémentaires à l’AVS.

Les autres droits supprimés aux veuves dont le communiqué de presse ne parle pas :

  • Suppression de la rente de veuve pour les épouses sans enfants ayant 45 ans révolus au moment du décès de leur conjoint et ayant été mariée durant 5 ans au moins ;
  • Suppression de la rente de veuve pour les femmes divorcées sans enfant ;
  • Suppression de la rente de veuve pour les femmes divorcées sans enfant à charge (sauf s’il existe une obligation d’entretien du défunt).

Sur le même sujet, voir notre dossier de veille Rente de veuf : la Cour européenne des droits de l’homme condamne la Suisse pour discrimination

> Pour d’autres d’informations, voir notre rubrique Social >> Assurances sociales >> Assurance-vieillesse et survivants