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Nombreux changements législatifs au 1er janvier 2022

Plusieurs fois par année, l’Artias met à jour les fiches du Guide social romand (GSR) touchées par une révision législative et les contributrices et contributeurs des cantons procèdent au même travail pour les fiches cantonales du GSR.

Cette année, les révisions législatives d’importance pour le domaine du social ont été nombreuses. En voici un rapide aperçu :

  • Développement continu de l’assurance-invalidité (AI) :
    La réforme de l’AI qui aura occupé le Parlement de 2017 à 2020 est entrée en vigueur. Ses points forts : tout d’abord, l’amélioration de la détection précoce et les mesures de réinsertion pour les assuré-e-s atteint-e-s dans leur santé psychique et les jeunes assuré-e-s. Ensuite, le passage de rentes par palier à un système de rente linéaire. Enfin, l’introduction de règles visant à mieux encadrer les expertises médicales.
    Signalons encore que le système de rente linéaire sera également introduit en matière de prévoyance professionnelle et que les assuré-e-s dont la rente AI est supprimée auront droit à 180 indemnités journalières de l’assurance-chômage.
  • Recouvrement des créances d’entretien du droit de la famille :
    Sur la base des articles 131 al.2 et 290 du Code civil, la Confédération a édicté une ordonnance[1] qui harmonise la pratique des offices spécialisés cantonaux en matière de recouvrement de créances d’entretien. Le versement d’avances sur les contributions d’entretien, en revanche, restent réglées par le droit public cantonal.
  • Loi sur le contrat d’assurance (LCA) :
    Cette loi, qui encadre les activités des assurances privées, concerne des assurances importantes pour tout le monde, comme par exemple les assurances pour perte de gain en cas de maladie ou les assurances-maladie complémentaires.
    À noter l’introduction, dans la loi, d’un droit de révocation de 14 jours et des exigences accrues en matière d’information au bénéfice de l’assuré-e. Un droit de résiliation ordinaire pour les deux parties existe à partir de la fin de la troisième année. Dans le domaine de l’assurance-maladie complémentaire, seul-e l’assuré-e peut faire usage de ce droit. Dans l’assurance perte de gain maladie, les deux parties peuvent résilier le contrat. Enfin, le délai de prescription a été allongé à cinq ans, sauf dans le domaine de la perte de gain maladie, dans lequel les créances se prescrivent par deux ans comme auparavant.
  • Protection des victimes de violence, dispositions sur la surveillance électronique :
    Le dernier volet de la Loi fédérale sur l’amélioration de la protection des victimes de violence[2] est entré en vigueur. Il permet au juge d’ordonner le port par l’auteur d’un appareil électronique de surveillance permettant de déterminer et d’enregistrer à tout moment le lieu où il se trouve.
  • Libre-circulation complète pour les citoyen-ne-s croates :
    À partir du 1er janvier 2022, les citoyen-ne-s croates bénéficient de la libre-circulation complète des personnes. Toutefois, si l’immigration en provenance de ce pays devait dépasser un certain seuil, la Suisse pourra invoquer une clause de sauvegarde, une possibilité qui sera conférée de 2023 à 2026.

Des informations détaillées sur ces sujets – et sur plus de quatre-vingts thèmes au total – se trouvent dans les fiches socio-juridiques du Guide social romand.

Artias – Paola Stanić, juriste


[1] Il s’agit de l’ordonnance sur l’aide au recouvrement des créances d’entretien du droit de la famille.

[2] https://www.fedlex.admin.ch/eli/oc/2019/432/fr

Genève : une campagne pour déstigmatiser les personnes à l’aide sociale

« Ça peut arriver » : ainsi s’intitule la campagne de communication lancée fin 2021 par l’Hospice général pour sensibiliser la population genevoise à la question de la précarité et déstigmatiser les bénéficiaires de l’aide sociale.

La campagne rappelle qu’à Genève, une personne sur six a besoin d’un soutien financier de l’Etat pour vivre et que le nombre de personnes accompagnées par le service social de l’Hospice général a augmenté de 7% en un an avec la crise du Covid-19. Une réalité peu connue mais qui peut toucher tout le monde.

Six affiches et des spots publicitaires représentant la diversité des profils des bénéficiaires de l’aide sociale ont été visibles dans les transports publics du canton et sur les réseaux sociaux pendant tout le mois de décembre. Sur le site dédié sont publiés des témoignages de personnes accompagnées par l’aide sociale qui évoquent leur parcours et leur vécu. Enfin, des collaborateurs et collaboratrices de l’Hospice général présentent leur travail auprès des bénéficiaires.

Statistique suisse de l’aide sociale 2020

En 2020, 272 100 personnes ont reçu au moins une prestation financière de l’aide sociale économique en Suisse. Les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur l’aide sociale sont donc faibles jusqu’ici, avec un taux d’aide sociale resté stable à 3,2%. Toutefois, des effets de la pandémie s’observent dans l’évolution de la part des personnes sorties de l’aide sociale. Sur l’ensemble des ménages bénéficiaires, la part de ceux qui ont pu sortir de l’aide sociale a diminué de 29,7% à 28,3%, ce qui représente le taux le plus bas enregistré depuis 2013. Ce sont les sorties pour cause de reprise d’une activité professionnelle qui ont diminué le plus fortement.

> Autres éclairages sur notre thème Social >> Aide sociale >> Statistiques de l’aide sociale

Primes d’assurance-maladie impayées, listes noires, diminution du nombre des poursuites : les décisions du Conseil national

Lors de cette session d’hiver 2021, le Conseil national s’est penché sur le sort des assuré-e-s qui ne parviennent pas à payer leurs primes d’assurance-maladie[1] : il s’agit d’apporter un correctif aux dispositions actuelles.

Les décisions suivantes ont trouvé l’aval des deux chambres :

Deux poursuites au maximum par année pour les dettes d’assurance-maladie

Actuellement, les créances des caisses-maladie occupent les offices des poursuites : selon une estimation, sur les trois millions de réquisitions de poursuites adressées chaque année en Suisse, entre 700’000 et un million concernent l’assurance-maladie[2]. L’exécution forcée ne porte pas ses fruits, puisque les cantons, garants en dernier lieu du paiement des primes, ont payés, entre 2012 et 2019, près de deux milliards et demi de francs aux caisses-maladie. Le volume des rétrocessions des assureurs-maladie aux cantons ne se monte, quant à lui, qu’à 4,6% des créances prises en charge par les cantons[3].

Les chambres ont décidé de n’autoriser les caisses-maladie à ne poursuivre l’assuré-e qu’au maximum deux fois par année ; cette mesure permet de réduire les émoluments des offices des poursuites ainsi que les frais de rappel et de sommation des caisses. Ces derniers devraient par ailleurs être limités et refléter uniquement les frais effectifs.

Les cantons pourront gérer eux-mêmes les actes de défaut de biens

Actuellement, les cantons prennent en charge 85% des créances impayées de l’assurance-maladie et ces créances continuent à être détenues par les caisses. Dès l’entrée en vigueur de cette révision de la LAMal, ils pourront opter pour une prise en charge de 90% des créances et en obtenir la propriété. Ils pourront faire de même avec les créances antérieurement prises en charge en versant un supplément de 3%.

Les enfants ne paieront plus pour les dettes contractées par leurs parents

Les enfants ne seront plus tenus responsables des primes et des participations impayées par leurs parents et ne figureront pas non plus sur d’éventuelles listes noires, ce mécanisme qui permet à certains cantons de limiter les prestations médicales des débiteurs et débitrices de primes à la médecine d’urgence. Les poursuites intentées à leur encontre seront nulles. Ces dispositions s’appliqueront à tous les assuré-e-s encore mineur-e-s au moment de leur entrée en vigueur.

Les cantons qui le souhaitent pourront continuer à tenir des listes noires

Tant le Conseil des Etats que le Conseil national ont refusé de retirer la possibilité aux cantons de tenir des listes noires des débiteurs et des débitrices de créances des caisses-maladie, un dispositif qui permet de restreindre leur accès aux soins. Notons que le Conseil fédéral avait pris position pour l’abolition de ces listes, qui existent actuellement dans cinq cantons (Argovie, Lucerne, Tessin, Zoug et Thurgovie).

Quelques divergences restent encore :

Modèles d’assurance et changement d’assureur

Contrairement au Conseil des Etats, le Conseil national rejette l’obligation, pour les assuré-e-s en retard de paiement, de s’affilier à un modèle d’assurance alternatif. En revanche, contrairement à la réglementation actuelle, le Conseil national propose de permettre à ces assuré-e-s de changer d’assureur.

Introduction des primes et frais courants dans le minimum vital de la personne se retrouvant aux poursuites

Le Conseil national a par ailleurs accepté une modification de la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite qui permet à la débitrice ou au débiteur de demander à l’office des poursuites de régler les factures de primes et de participation aux coûts en cours : cette mesure permet d’empêcher les poursuites pour des factures faisant en réalité partie du minimum vital de la personne saisie et de diminuer frais, intérêts moratoires et émoluments.

Pour suivre…

L’initiative cantonale du Canton de Thurgovie sera à l’ordre du jour de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats des 20 et 21 janvier 2022. Le Conseil des Etats s’en saisira vraisemblablement lors de la session de printemps 2022.

Paola Stanić, juriste


Informations complémentaires sur le site de l’Artias :

Deux dossiers thématiques, qui retracent l’historique de cette modification législative :


[1] Il s’agit du traitement de l’initiative cantonale 16.312 du Canton de Thurgovie : exécution de l’obligation de payer les primes. Modification de l’article 64a de la Loi fédérale sur l’assurance-maladie.

[2] Conférence de presse des préposés de la Ville de Zürich du 22 mai 2019 (lien pdf)

[3] Ces données proviennent de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS), le second chiffre représente une estimation, le tout se trouve dans un dossier de veille de l’Artias publié avant les débats dans les Chambres, le 17 mai 2021 intitulé : Primes d’assurance-maladie impayées : à petit pas vers une meilleure solution ?

Une association de personnes à l’aide sociale voit le jour à Neuchâtel

L’Association Sociale POUR Neuch a officiellement vu le jour mercredi 15 décembre 2021. Situation pandémique oblige, l’assemblée constitutive a été restreinte aux membres actifs de l’Association : une dizaine de personnes en situation de précarité présente ou passée, qui perçoivent ou ont perçu des prestations de l’aide sociale.

La mission de l’ASPN est double. D’une part, offrir un espace de réflexion et d’échange aux personnes vivant dans la précarité, pour qu’elles puissent se rencontrer et sortir ainsi de leur isolement. D’autre part, être un lieu de défense des intérêts des personnes qui perçoivent l’aide sociale. Dans son discours, la présidente fraichement élue Carolina Pillonel a insisté sur le fait que « personne ne tombe par choix au service social. Vivre du service social n’est pas un statut et encore moins une identité ».

Pour concrétiser sa mission, l’Association souhaite développer différentes activités :

  • Organiser des moments de réflexion collective sur les questions d’aide sociale ;
  • Procéder à des études, démarches ou interventions propres à protéger les usagers de l’aide sociale et à défendre leur dignité et leurs intérêts individuels et collectifs ;
  • Créer des évènements visant le rassemblement, le mélange, la solidarité et la convivialité entre les personnes ;
  • Défendre et conseiller juridiquement les usagers de l’aide sociale.

Par ailleurs, l’Association se tient à disposition des collectivités afin d’être consultée lors de réflexions sur les réformes touchant l’aide sociale et son fonctionnement. En tant qu’experts de leurs situations, les membres de l’Association souhaitent en effet que leur voix soit prise en considération sur les sujets qui les concernent.

Dans un avenir proche, l’ASPN espère être rejointe par d’autres membres qui mettraient eux aussi à profit leurs expertises.

Contact: aspneuch(at)gmail.com

La redistribution par les impôts et transferts sociaux en Suisse

Dans un article récent[1], des chercheurs de la Haute école spécialisée bernoise et de l’Université de Berne[2] se penchent sur les inégalités de revenus et de fortune en Suisse avant et après les mécanismes de redistribution.

Les transferts sociaux soutiennent les revenus d’une grande partie de la population

Il y est rappelé que les transferts sociaux soutiennent les revenus de grands pans de la population. Sous ce terme générique cohabitent des prestations d’assurances sociales, qui ont pour objectif de remplacer un revenu en cas de survenance d’un risque (chômage, accident…) et des prestations sous condition de ressources, qui complètent les revenus insuffisants, comme le font les prestations complémentaires ou l’aide sociale.

Parmi la population active, les revenus du travail et de la fortune sont les plus importants. Plus les ménages sont pauvres, plus les revenus seront complétés par des prestations sous condition de ressources. Il faut rappeler que, pour les 5% les plus pauvres de la population, 71% des revenus proviennent des prestations sous condition de ressources et tout de même 19% du travail, ce qui met en lumière l’existence de « working poor ».

Après le départ à la retraite, les 15% des ménages les plus pauvres ne reçoivent qu’une rente marginale de la prévoyance professionnelle (qui constitue entre 2% et 4% de leurs revenus), alors que 30% à 75% de leurs revenus proviennent de l’AVS. Les prestations complémentaires en constituent aussi une part non négligeable.

La fortune ne joue un rôle important que pour la partie la plus riche de la population.

Importance et impacts des transferts

Soulignons également que, si l’on considère les transferts économiques dans leur ensemble, les 60% « les plus pauvres » de la population sont bénéficiaires du système, car ils perçoivent plus en termes de prestations sociales qu’ils ne paient. Ce n’est qu’ensuite que le rapport s’inverse. Pour les 10% les plus pauvres, le revenu après transferts double, en passant de 10’045.- à 26’200.- francs par an. Pour le groupe des plus riches, les revenus passent en moyenne de 167’580.- à 144’965.- francs par an.

Les prestations de transfert occasionnent 70% de l’effet redistributif total : les instruments les plus redistributifs sont les rentes de l’AVS et de l’AI, suivies par les prestations sous condition de ressources. Les 30% restants de l’effet redistributif sont imputables aux impôts, en particulier aux impôts directs.

Différences cantonales

Les auteurs de l’articles examinent également les différences cantonales en matière d’inégalités de revenus et de redistribution. Les différences entre les cantons d’Argovie, de Saint-Gall, de Lucerne et du Valais sont minimes. Dans le Canton de Genève, en revanche, l’on constate une inégalité très marquée des revenus des marchés (donc provenant du travail ou de la fortune) et une redistribution relativement forte, au moyen de prestations spécifiques sous condition de ressources. Toutefois, même après impôts et transferts, l’inégalité reste à un niveau élevé. Le Canton de Berne présente une inégalité de revenus plus élevées que les autres cantons alémaniques, qui devient comparable après impôts et transferts. Dans le Canton de Berne, l’effet redistributif des impôts est relativement important.

Perte de la réduction des inégalités par la fiscalité au fil des ans

Les auteurs soulignent enfin que l’effet redistributif des impôts est plus faible en Suisse que dans d’autres pays : cet état de fait peut être expliqué par la concurrence fiscale qui conduit à un affaiblissement de la progressivité des impôts. Dans ce contexte, le fait que les personnes disposant de revenus élevés puissent choisir leur lieu de résidence peut même rendre le système fiscal régressif dans son ensemble.

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Social >> Pauvreté >> Faits et chiffres

Social >> Assurances sociales >> Faits et chiffres

Finances >> Impôts >> Faits et chiffres


[1] Social Change in Switzerland no. 28, Décembre 2021 : www.socialchangeswitzerland.ch

[2] Il s’agit de : Oliver Hümbelin, Rudolf Farys, Ben Jann et Olivier Lehmann.

Aide sociale dans des villes suisses : comparaison des indicateurs 2020

Chaque année depuis 22 ans, des villes membres de l’Initiative des villes pour la politique sociale relèvent et comparent certains indicateurs de l’aide sociale. Effectuée sur la base de données compilées par l’Office fédéral de la statistique, cette comparaison permet de documenter les développements de l’aide sociale de 14 villes accueillant environ un quart des bénéficiaires enregistrés en Suisse.

Stabilité du nombre de dossiers d’aide sociale

Le dernier rapport publié porte sur l’année 2020 et révèle que, contrairement à certaines craintes, le recours à l’aide sociale n’a que peu varié pendant la pandémie dans les 14 villes comparées. On observe ainsi une augmentation de 0,5% du nombre de dossiers d’aide sociale, ce qui marque un arrêt dans la tendance à la baisse observée en 2018 et 2019. Pour expliquer cette stabilité, les auteurs soulignent l’importance des assurances sociales et des aides mises en place par la Confédération, les cantons et les communes, notamment l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail, l’indemnité en cas de perte de gain et la prolongation temporaire du droit aux allocations chômage.

A noter qu’en plus des personnes et des familles recourant à l’aide sociale par suite d’une baisse de revenu en raison de la crise sanitaire, les répercussions des arrivées importantes de réfugiés en 2015 peuvent aussi expliquer une partie de cette modeste augmentation du nombre de dossiers. En effet, après cinq ans, les réfugiés vivant encore en Suisse et nécessitant une aide économique sont comptés dans la statistique de l’aide sociale et non plus dans la statistique de l’aide sociale dans le domaine des réfugiés.

Les auteurs soulignent que la pandémie a néanmoins mis en évidence certaines lacunes du système de sécurité sociale pour certains groupes de la population, en particulier les personnes étrangères qui renoncent à recourir à l’aide sociale par crainte de perdre leur autorisation de séjour même lorsqu’elles se retrouvent en situation de dénuement.

Recours répétés à l’aide sociale largement répandus

Dans son chapitre spécial consacré aux parcours des bénéficiaires, le rapport souligne que le fait de recourir de manière répétée à l’aide sociale est un phénomène largement répandu et concerne environ la moitié des bénéficiaires. Ces retours fréquents indiquent que les personnes qui retrouvent leur autonomie financière restent souvent menacées de pauvreté et qu’une dépense imprévue peut rapidement les conduire à s’adresser à nouveau à l’aide sociale.

> Autres éclairages sous notre rubrique Social >> Pauvreté >> Lutte contre la pauvreté

Rapport : les effets de la pandémie sur la pauvreté et les inégalités socio-économiques

Afin d’étudier de manière systématique les conséquences de la crise liée au Covid-19 sur la pauvreté et les inégalités socio-économiques en Suisse, la Plateforme nationale contre la pauvreté recense depuis le printemps 2020 tous les projets de recherche consacrés à cette thématique. Récemment, elle a publié un rapport de synthèse tirant le bilan de ce monitoring jusqu’à fin juillet 2021 et portant sur 102 projets (49 achevés, 48 en cours et 5 prévus).

Situation financière

Pour ce qui est de la situation financière et de l’activité lucrative, les études recensées tendent à montrer que les inégalités socio-économiques ont été accentuées par la pandémie et les mesures de lutte contre le virus. « En moyenne, plus le revenu ou la fortune d’une personne étaient bas avant la pandémie, plus ses pertes financières ont été importantes, et ce tant chez les salariés que les indépendants », confirme l’étude[1]. En effet, la réduction de l’horaire de travail a davantage touché les personnes à bas revenu, qui avaient par ailleurs plus rarement la possibilité de télétravailler. Quant à l’épargne des ménages, elle a davantage augmenté pour les ménages à revenu élevé que pour les ménages à faible revenu, qui ne disposent que d’une faible marge de manœuvre dans l’adaptation de leurs dépenses.

Formation

Les études du corpus retenu suggèrent « une accentuation générale des différences individuelles de performance entre les élèves » suite à la fermeture des écoles durant huit semaines. Les auteurs du rapport ne vont néanmoins pas jusqu’à confirmer un accroissement de l’inégalité des chances et du fossé existant en matière d’éducation. Ils soulignent néanmoins que les enfants issus de ménages socialement défavorisés ont disposé pendant cette période de moins bonnes conditions de travail à la maison (manque de place, peu d’aide fournie par leurs parents et accès limité aux outils numériques).

Santé

Les personnes au statut socio-économique modeste ont davantage de risques d’être infectées par le COVID-19, de développer une forme grave de la maladie et donc d’être hospitalisées, et d’en mourir. Les études révèlent également que ce sont aussi les personnes à bas revenu qui ont le plus souffert d’un accroissement de la charge psychique pendant la pandémie. Cela a été particulièrement vrai pour les personnes au statut de séjour incertain. De manière générale, il semble en revanche que le bien-être des personnes à l’aide sociale n’a été que peu affecté.

Précarisation

Le rapport souligne une aggravation des situations déjà précaires avant la pandémie, en particulier chez les personnes ou les familles qui s’en sortent seules en temps normal sans recourir aux prestations des assurances sociales ou de l’aide sociale, soit parce qu’elles n’y ont pas droit, soit parce qu’elles ne font pas valoir ce droit. Les raisons de ce non-recours sont notamment la peur des conséquences sur leur statut de séjour, la honte ou la crainte de devoir rembourser l’argent. Les auteurs du rapport appellent de leurs vœux la réalisation de davantage d’études à ce sujet, le nombre de personnes concernées par le non-recours à l’échelle nationale n’étant actuellement pas connu.

D’autres thématiques sont également abordées dans le rapport comme l’âge, les relations sociales et la vie de famille, le système de soutien, les flux d’information et l’accessibilité de l’aide.

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[1] A ce sujet, voir aussi :

Détérioration des conditions de vie des jeunes et des personnes à bas revenu

L’Office fédéral de la statistique (OFS) a communiqué les derniers résultats de l’enquête sur les revenus et les conditions de vie (SILC) pour le premier semestre 2021.

L’impact de la pandémie sur les revenus des ménages est conséquent. Sur la base d’une auto-évaluation, 20% de la population estimait que le revenu total de son ménage avait baissé pendant les douze derniers mois et plus de la moitié de ces personnes (11,3%) attribuait cette baisse à la pandémie de Covid-19. Ce sont en particulier les personnes actives dans l’hébergement et la restauration (35,5%), celles dont le revenu est bas (19,5%) et les personnes de nationalité étrangère (16,7%) qui ont connu des baisses.

Près de 50% de la population active a pu travailler au moins partiellement à domicile pendant la pandémie. Néanmoins, l’OFS confirme sur ce plan des différences significatives entre les groupes de population. Alors que 67,7% des personnes ayant une formation tertiaire et 72,3% de celles ayant un revenu élevé ont pu faire du télétravail, c’était le cas de seulement 39,9% des personnes de nationalité étrangère, de 31,7% des personnes dont le revenu est bas et de 16,6% des personnes sans formation post-obligatoire. Les secteurs les plus touchés économiquement par la crise sont ceux pour lesquels le télétravail était difficile ou impossible à réaliser (hébergement, restauration, arts, spectacles et activités récréatives). 

Après s’être fortement dégradé au début de la pandémie, le sentiment de sécurité de l’emploi s’est renforcé en 2021. Il reste néanmoins encore significativement inférieur à 2019.

La crise a également eu un effet négatif sur la santé psychique de la population. L’enquête a montré que 40,2% des personnes interrogées a indiqué que la pandémie avait entraîné des conséquences négatives sur son moral pendant le premier semestre 2021. Chez les jeunes (16 à 24 ans), ce taux était particulièrement élevé (55,1%). L’impact de la pandémie sur le moral des personnes résidant dans des zones faiblement peuplées est en revanche moins important (36,4%).

> Autres éclairage sur notre rubrique Social >> Pauvreté >> Qualité de vie et pauvreté

Insertion professionnelle et sociale : la motivation n’est pas le problème – la contrainte n’est pas la solution

Depuis 2018, la participation des bénéficiaires de l’aide sociale de la Ville de Zurich aux programmes d’insertion professionnelle et sociale s’effectue sur une base volontaire. Une évaluation montre que ce changement de paradigme a fait ses preuves, tant pour les bénéficiaires que pour les collaborateurs et collaboratrices du service social.  

La nouvelle stratégie de la ville de Zurich pour l’insertion professionnelle et sociale des bénéficiaires de l’aide sociale se base sur la réalité du monde du travail. Il s’agit de tenir compte des possibilités réalistes des personnes concernées sur le marché du travail. Sur ce plan, la Ville de Zurich relève que ce n’est pas le manque de motivation qui empêche la majorité des bénéficiaires qui sont capables de travailler de trouver un emploi, mais bien le fait que les exigences du marché du travail sont trop élevées.

Les personnes qui, en raison d’un manque de qualifications ou de problèmes de santé, n’ont que peu de chances de décrocher un emploi doté d’un salaire leur permettant de subvenir à leurs besoins ont la possibilité de participer de plein gré à des mesures d’insertion sociale, sans obligation et sans la pression de devoir atteindre un objectif.

L’absence de contrainte et de sanctions éventuelles n’est pas totale : la participation aux programmes d’insertion professionnelle reste obligatoire pour les bénéficiaires qui montrent trop peu de motivation à accepter un emploi sur le marché du travail primaire, alors qu’elles ont de bonnes chances d’en trouver un. Depuis 2018, cela représente une cinquantaine de personnes au total.

L’évaluation a montré que depuis l’introduction de la nouvelle approche basée sur le volontariat, le nombre de participant-e-s aux programmes d’insertion n’a pas diminué. La Ville de Zurich en conclut que l’insertion sociale et professionnelle peut fonctionner sans contrainte.

Lien vers le communiqué de presse (allemand) : cliquez ici

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