L’école d’aujourd’hui se veut inclusive et affiche volontiers l’ambition d’accueillir la diversité des élèves dans ses multiples manifestations. Les récits des actrices et des acteurs scolaires n’accordent toutefois pas la même attention aux différentes caractéristiques qui permettent de distinguer les élèves. La diversité culturelle, l’allophonie et les déficiences ou troubles pouvant faire l’objet d’un diagnostic occupent notamment le devant de la scène, au détriment de la prise en compte d’autres différences, telles que l’origine socio-économique des élèves. Comment certaines différences deviennent-elles un « problème » pour les actrices et acteurs de l’école, alors que d’autres peinent à être reconnues ? Et quelles sont les implications pédagogiques ou politiques de l’invisibilité de certaines catégories de personnes, telles que les familles vivant dans la pauvreté ?
Ce dossier explore ces questions à l’aune de la littérature scientifique et des résultats de plusieurs enquêtes portant sur les transformations de l’école et la formation d’enseignant-e-s. Il revient d’abord sur l’ascension de la problématique de la diversité à l’école durant les dernières décennies, en mettant en évidence à la fois le flou qui entoure les notions de « diversité » et d’« hétérogénéité » des élèves, ainsi que l’ambivalence des récits sur l’inclusion scolaire, où la volonté de reconnaître toutes les différences va de pair avec une hiérarchisation, plus ou moins explicite, des différences qu’il convient de prendre en compte. Le dossier étudie ensuite les controverses qui ont caractérisé les transformations de l’école durant la pandémie de Covid, pendant laquelle l’école a, en quelque sorte, redécouvert le lien entre inégalités sociales et performances scolaires. Enfin, le texte résume les résultats de plusieurs démarches de recherche-action portant sur la formation à l’enseignement de la Haute école pédagogique du canton de Vaud, en s’intéressant aux représentations de l’hétérogénéité des élèves chez les étudiant-e-s et chez les formatrices et formateurs.
Les résultats de ces enquêtes montrent que, paradoxalement, l’ascension de la rhétorique du divers à l’école depuis les années 1950-1960 s’est accompagnée d’une invisibilité croissante des questions sociales et économiques, ce qui reflète d’ailleurs des évolutions similaires au niveau sociétal. Malgré les résultats probants de nombreuses recherches en éducation, la critique de la reproduction des inégalités par l’école semble avoir un impact limité sur les récits des principaux acteurs scolaires, qui, en individualisant les problèmes et les remèdes, tendent à faire porter aux personnes le poids de leurs succès et de leurs échecs. Le dossier conclut en esquissant quelques pistes de réflexion permettant de mieux légitimer les différences socioéconomiques en tant qu’enjeu pédagogique.
Dossier du mois préparé par Michele Poretti, professeur associé et responsable de la Filière enseignement secondaire 1 à la Haute école pédagogique du canton de Vaud.
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