L’AI et la réadaptation des employé-e-s atteint-e-s dans leur santé du point de vue des employeurs

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Depuis 2008, l’OFAS réalise périodiquement[1] des enquêtes sur la perception de l’assurance invalidité et de ses instruments par les employeurs. La dernière mouture, qui porte sur l’année 2021, s’intitule « le point de vue des employeurs sur l’AI et ses instruments ».

La perception de l’assurance-invalidité en tant que telle est tout d’abord questionnée. Si deux bons tiers des entreprises ont une vision positive de l’AI, qu’ils perçoivent comme « un partenaire / un soutien », respectivement « un interlocuteur compétent (…) » ; une entreprise sur cinq estime que l’assurance-invalidité est « une institution compliquée » et près d’un cinquième qu’elle est « mal connue ou inconnue. »

Pour les entreprises, réinsérer ne va pas de soi

L’enquête a également interrogé les pratiques des entreprises en matière de maintien au travail et de réinsertion professionnelle d’employé-e-s atteint-e-s dans leur santé.

 À titre d’illustration, une majorité d’entreprises (71%) ont déclaré être disposée à maintenir un-e employé-e atteint-e dans sa santé en emploi. Les réponses diffèrent notablement selon la taille de l’entreprise : si 15% des microentreprises (de 4 à 9 employé-e-s) se disent prêtes au maintien en emploi, le taux de réponse affirmative passe à 69% pour les grandes entreprises. L’on note aussi d’importantes divergences selon les branches d’activité des entreprises.

Toutefois, confrontées à une situation concrète, seules 22% des entreprises ont conservé le poste de l’une de leurs collaboratrices ou l’un de leurs collaborateurs atteint-e dans sa santé dans les trois dernières années. 

D’autres questions portaient sur la disposition en matière d’embauche : 54% des entreprises se déclarent disposées à engager une personne atteinte dans sa santé. Ici également, l’on constate à nouveau des différences significatives selon la taille et la branche des entreprises. Les entreprises ayant effectivement embauché durant les trois dernières années se montent, quant à elles, à 8%.

« Types d’atteintes à la santé acceptables »

Cet intertitre, tiré de l’étude (p.37), possède le mérite de la clarté. Les réponses apportées à cette série de questions montrent que plus de la moitié des entreprises pourraient envisager de travailler avec des personnes présentant des atteintes d’ordre physiques. En revanche, seules 16% des entreprises se déclarent disposées à travailler avec des personnes présentant des atteintes d’ordre psychique et 9% avec des personnes ayant des atteintes d’ordre mental.

Du point de vue des assuré-e-s aussi, la réinsertion est difficile

Cette enquête peut être mise en relation avec une publication du programme de recherche de l’AI qui portait également sur la réinsertion, en partant de la perspective des assuré-e-s[3]. Les personnes concernées décrivent les difficultés de réinsertion professionnelle et, pour beaucoup d’entre elles, leur mal-être en général. Beaucoup de personnes « réinsérées » ont besoin d’un apport financier supplémentaire, que ce soit sous forme de rente, d’apport de proches ou de prestations de l’aide sociale. Enfin, dans l’enquête sur les assuré-e-s également, les personnes souffrant de troubles physiques réussissent mieux leur réinsertion que les malades psychiques (45% de « réussite » contre 25%).

La place accordée aux personnes atteintes dans leur santé : une question posée à la société dans son ensemble

Au fil des révisions, la réinsertion est devenue l’objectif principal de l’assurance-invalidité. Or, l’étude dont il est questions dans ces lignes nous rappelle que l’inclusion dans le monde professionnel des personnes atteintes dans leur santé ne va pas de soi. En cas d’impossibilité tant de se réinsérer que d’obtenir une rente, nombre d’entre elles seront obligées de se tourner vers l’aide sociale pour assurer leur subsistance[4]

Bien entendu, si l’AI représente un acteur important dans le domaine, elle est loin d’être le seul : d’après l’enquête dont il est question ici, l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie représente le premier interlocuteur des entreprises en cas d’arrêt de travail de longue durée d’un-e employé-e. Or, ce régime est non-obligatoire et la couverture perte de gain maladie privée est souvent sélective face aux mauvais risques. Cet exemple montre qu’au-delà des questions adressées aux entreprises, les conditions générales de la réinsertion professionnelle et sociale des personnes atteintes dans leur santé mériteraient d’être mises en lumière.

Artias – Paola Stanić, juriste

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[1] C’est-à-dire en 2008, en 2010, en 2012, en 2014 et, pour l’édition actuelle, en 2021. La prochaine étude est prévue pour 2025.

[2] https://www.demoscope.ch/fileadmin/files/Medienberichte/Arbeitgeberbefragung2021_F.pdf

[3] https://artias.ch/2018/08/programme-de-recherche-de-lassurance-invalidite-rapport-reinsertion-professionnelle-psychosociale-point-de-vue-assures/

[4] https://artias.ch/2020/11/ofas-analyse-des-passages-de-lassurance-invalidite-vers-laide-sociale/