Le 3 juin dernier, le Conseil national a mis un terme à une saga parlementaire de plus de six ans autour de la détermination du statut d’indépendant-e ou de salarié-e en droit des assurances sociales, en décidant de ne pas entrer en matière sur l’initiative parlementaire 18.455, par 93 voix contre 88 (10 abstentions). Cette initiative est donc définitivement liquidée.
Pour rappel, elle visait à accorder une plus grande importance au contrat conclu entre les parties dans la qualification du statut d’indépendant-e ou de salarié-e. La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national avait publié son rapport en réponse à l’initiative parlementaire en mars 2025. Elle était favorable à la volonté de l’initiant et proposait ainsi d’inscrire dans la loi le critère de l’accord passé entre les parties, soit du contrat, pour qualifier le statut. Peu après, le Conseil fédéral avait exprimé son opposition, estimant que le droit en vigueur, qui détermine le statut en fonction de critères objectifs, tels que le rapport de subordination ou le risque entrepreneurial offrait déjà une flexibilité suffisante. Il mettait également en garde contre les potentielles conséquences d’un tel changement, notamment en matière de protection sociale.
Malgré les bénéfices avancés par les initiants, cette initiative suscitait en effet d’importantes préoccupations. Parmi celles-ci figuraient notamment le danger : de faire porter les conséquences économiques des risques seulement par les individus, au bénéfice d’entreprises qui, comme Uber, se considèrent comme de simples intermédiaires ; d’affaiblissement de la protection sociale ; d’appauvrissement et d’augmentation de la précarité des employé-e-s ; ou encore de report de charge sur la collectivité. Cette diminution progressive de la protection des employé-e-s en droit des assurances sociales ouvrait par ailleurs une porte sur un éventuel affaiblissement de leur protection en droit du travail également. L’Artias avait d’ailleurs publié un dossier de veille (voir plus bas) mettant en contexte cette initiative parlementaire et en dégageant les enjeux.
Soulignons tout de même que ce rejet ne signifie probablement pas la fin du débat. D’une part, le résultat du vote montre que le débat était serré. D’autre part, d’autres tentatives de réformer les critères de qualification du statut d’indépendant-e ou de salairé-e dans le domaine des assurances sociales ont été menées ces dernières années. On peut notamment citer les motions 18.3753 « Renforcer la sécurité juridique et éviter la requalification des contrats » et 18.4080 « Pour une plus grande autonomie des parties dans les assurances sociales » qui allaient dans le même sens. Il est donc probable que la question ressurgisse à l’avenir[1].
[1] Une rubrique de notre veille législative est consacrée à ces développements : Artias >> Synthèse des travaux législatifs fédéraux >> Autres thèmes >> Droit du travail.