Aujourd’hui, la réalité en Suisse est la suivante : les travailleurs sont souvent surpris d’apprendre qu’ils ne peuvent pas compter sur une assurance perte de gain maladie obligatoire, lorsqu’ils subissent une incapacité de travail à la suite d’une maladie. Cette situation perdure malgré de nombreuses tentatives d’y remédier depuis 1890, et ce alors même que plusieurs assurances sociales garantissent l’octroi d’un revenu de substitution de manière obligatoire.
Seuls deux dispositifs offrent une certaine protection contre la perte de gain en cas de maladie : le maintien du salaire prévu par le Code des obligations (CO) et l’assurance d’indemnités journalières facultative selon la LAMal ou la LCA. Néanmoins, la première forme de protection est à la fois limitée dans le temps et soumise à conditions, tandis que la conclusion de la seconde n’est que facultative.
Le manque de données statistiques en la matière complique par ailleurs l’évaluation de la situation, alors même que les enjeux en présence sont significatifs.
Ce dossier vise à sensibiliser le public, à analyser l’actualité en lien avec les interventions parlementaires en cours, à nourrir la réflexion sur cette lacune du système social suisse et à présenter les diverses options envisageables pour y remédier.
L’absence d’une assurance perte de gain maladie obligatoire : enjeux principaux |
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Problèmes |
Significations |
Multiples facteurs d’influence quant à la protection en cas d’incapacité de travail suite à une maladie (années de service, etc.) |
Non-respect de l’égalité de traitement entre les travailleurs (fortes différences entre eux) et perte de leurs avantages liés à l’ancienneté en cas de rupture des rapports de travail |
Pour les employeurs : imprévisibilité des coûts face aux absences dues aux maladies et insécurité financière constantes |
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Droit au salaire en cas de maladie selon l’art. 324 a CO limité et aléatoire |
Pour certaines catégories de travailleurs : difficultés particulières, conséquences financières possibles et risque de pauvreté |
Application de l’art. 324 a CO (droit au salaire) : problèmes pratiques et complexité (plusieurs conditions à remplir, notion d’empêchement, etc.) et sujet à interprétation |
Insécurité juridique pour les travailleurs, casse-tête organisationnel (gestion financière) pour les employeurs |
Complexité de la question des droits de libre passage et de transfert, en matière d’assurance perte de gain maladie |
Pour les travailleurs : couverture d’assurance non garantie de manière continue tout au long de leur parcours professionnel |
Coexistence et juxtaposition du régime du CO et de deux régimes d’assurance d’indemnités journalières (LAMal et LCA) |
Difficultés pour les travailleurs et les employeurs de comprendre les différences entre ces régimes et de faire un choix entre les deux régimes d’assurance |
Protection existante pour la plupart des risques sociaux, absente pour l’incapacité de travail suite à une maladie |
Système de sécurité sociale lacunaire ou incomplet, voire illogique |
Statistiques sommaires et partielles sur la couverture perte de gain maladie (chiffres, etc.), sujet politique tabou et sans voix |
Aperçu général de la problématique difficile, voire impossible à obtenir |
Absence d’une prise de conscience des limites du système |
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Méconnaissance des travailleurs et des employeurs et de la population en général sur le caractère facultatif de l’assurance perte de gain maladie et des problèmes qu’il induit |
Pour les travailleurs : effet de surprise, insécurité juridique constante tout au long de leur parcours professionnel |
Pour les employeurs : effet de surprise, conséquences juridiques et financières possibles |
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Augmentation des cas de maladies psychiques, du stress et du risque d’épuisement professionnel |
Pour les employeurs : risques d’une résiliation du contrat d’indemnités journalières maladie ou d’augmentation de la prime |
Nécessité d’une assurance perte de gain maladie obligatoire pour les travailleurs |
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Complexité de la coordination en cas d’incapacité durable de travail et de chômage |
Pour les travailleurs : insécurité juridique et financière dès l’inscription à l’AI et tout au long de la procédure AI et dès l’inscription à l’assurance-chômage |