Les réformes en cours du système de protection sociale sont articulées autour des assurances sociales (AVS, LPP, LAMal, APG-maternité, politique familiale) et du fédéralisme (répartition des tâches et péréquation confédération – cantons). Elles s’inscrivent dans le contexte de l’assainissement des finances fédérales et mobilisent simultanément population et autorités, administrations, professionnels de l’intervention sanitaire et sociale et scientifiques. De ces processus, du discours et des décisions qui en résultent, émerge le spectre d’une nouvelle vision de la protection sociale. Après le développement d’un Etat social fondé sur une logique d’assurance, le « ciblage » des prestations par l’assistance réapparaît. Au nom d’une allocation optimale des ressources les modalités de fonctionnement des régimes sociaux se modifient sournoisement. Lutter contre les « générosités et/ou abus » du système s’érige en finalité.
Or, le ciblage des prestations, contrairement au sens commun et à l’a priori « bon sens », contient les germes de nouvelles exclusions et de l’arbitraire dans l’allocation des prestations. L’érosion du principe d’assurance affaiblit les solidarités du système actuel et la cohésion sociale par la stigmatisation des groupes sociaux défavorisés qu’elle engendre.
Derrière les principes généraux surgit le quotidien des citoyens, personnes protégées et bénéficiaires de prestations. Cette face n’est autre que l’expression du fonctionnement de la société et des régimes sociaux en particulier. Sans comprendre cet univers individuel, l’analyse et l’orientation des décisions comportent des biais.
C’est pourquoi nous avons appréhendé le vécu des personnes concernées par le phénomène de la pauvreté en tentant de repérer, d’objectiver et de comprendre l’existence de celles et ceux que l’on peut considérer comme des « oubliés de la protection sociale ». Autant de personnes qui, à un moment ou un autre, passent entre les mailles du filet de protection sociale, alors qu’elles auraient droit à des prestations.
