Assurance-maladie : consultation sur la réduction des primes

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L’initiative populaire « Maximum 10% du revenu pour les primes d’assurance-maladie (initiative d’allègement des primes) » lancée par le Parti socialiste a abouti en février 2020. Il y a quelques jours, le Conseil fédéral a mis un contre-projet indirect en consultation. Brève explication des enjeux :

Actuellement, les cantons doivent accorder une réduction de primes aux « assurés de condition économique modeste » (art. 65 al.1 de la Loi fédérale sur l’assurance-maladie, LAMal). Pour les bas et les moyens revenus, les cantons réduisent de 80% au moins les primes des enfants et de 50% au moins celles des jeunes adultes en formation (art. 65 al.1bis LAMal, le pourcentage de 80% devra être atteint à partir de 2021). Des subsides calculés selon des modalités différentes s’appliquent aux primes des personnes percevant les prestations complémentaires à l’AVS-AI ou l’aide sociale.

La Confédération est tenue de verser des subsides aux cantons ; ils correspondent à 7,5% des coûts bruts de l’assurance obligatoire des soins (AOS). Il appartient aux cantons de financer le reste. Or, au fil des ans, la part cantonale à la réduction individuelle des primes s’est amenuisée par rapport à la part fédérale et les contributions cantonales ont soit augmenté moins vite que la hausse des primes ou ont été revues à la baisse[1] (la majorité des cantons latins ainsi que Bâle et Schaffouse font exception).

Cela signifie que la charge des primes d’assurance-maladie est devenue plus lourde pour les ménages qui reçoivent la réduction individuelle des primes : selon le monitorage de l’OFAS[2], la charge de primes restantes est passée de 10% en 2010 à 14% en 2017. Force est de constater que le système actuel n’est pas parvenu à diminuer la charge que représente les primes de l’assurance-maladie sur le budget de nombreux ménages.

En 2019, le Tribunal fédéral a précisé l’une des obligations que la LAMal pose aux cantons et a jugé l’ordonnance lucernoise de réduction de primes de l’assurance-maladie contraire au droit fédéral[3]. En effet, le canton de Lucerne avait, en 2017, drastiquement revu à la baisse le cercle des personnes susceptibles d’obtenir la réduction individuelle des primes et ne remplissait plus l’obligation, posée par l’article 65 al. 1bis de la LAMal, de réduire les primes des enfants et des jeunes des familles à revenus moyens.

Parallèlement se poursuit un chantier sur le désenchevêtrement des tâches de la Confédération et des cantons[4]. En matière de réduction individuelle des primes, la proposition de la Confédération est de cantonaliser totalement ce poste du budget. Si le contre-projet indirect à l’initiative d’allègement des primes était accepté, le financement commun serait conservé[5].

Que propose l’initiative d’allègement des primes ?

L’initiative a pour objectif de plafonner, pour chaque ménage, la charge des primes de l’assurance-maladie à 10% du revenu disponible[6]. La réduction individuelle des primes serait accordée dès que la prime d’assurance-maladie dépasserait ce pourcentage de revenu. Le financement resterait partagé, avec une obligation faite à la Confédération d’en assumer les deux tiers au moins.

Les critiques de la Confédération peuvent se résumer en deux points : tout d’abord, l’initiative va peser sur les finances publiques, car ce sont elles qui vont devoir absorber chaque année le coût de la hausse des primes, alors qu’actuellement, ce coût est, comme nous l’avons vu, également supporté par les ménages. Ensuite, la Confédération, qui supporte les deux tiers des charges, n’a pas de prise sur la question des coûts, contrairement aux cantons, qui, selon elle, peuvent les influencer partiellement par le biais de leur politique de santé.

Un projet indirect pour tenter de maîtriser les coups de la santé

Le contre-projet propose que le financement cantonal de la réduction individuelle des primes soit fonction de la charge de la prime sur le budget des assurés dans le canton concerné. Cela signifie que plus la prime pèse dans le budget des ménages, plus la part cantonale à la réduction individuelle des primes sera élevée. En cela, le contre-projet poursuit l’objectif d’inciter les cantons à réduire les coûts de la santé alors même qu’ils n’ont pas toutes les cartes en main pour le faire. La part confédérale, quant à elle, reste identique à la situation actuelle et se monte à 7,5% des coûts bruts de l’assurance obligatoire des soins.

Concrètement, le contre-projet oblige les cantons à verser 4% des coûts bruts lorsque la prime représente 10% ou moins du revenu disponible des assurés dudit canton. Lorsque la prime absorbe entre 10% et 14% du budget des assuré-es, le canton verse 5% des coûts bruts. Enfin, il doit verser 7,5% des coûts bruts lorsque le paiement de la prime dépasse le 14% du budget des assuré-es.

Le contre-projet a l’avantage d’obliger les cantons à verser un montant dédié à la réduction individuelle des primes. Toutefois, il suit un double objectif et le volet d’incitation à la maîtrise des coûts questionne, la part cantonale à la réduction individuelle des primes étant basée sur des variables sur lesquelles les cantons n’ont pas forcément la maîtrise. 

L’initiative devrait permettre de dégager 750 millions par an pour la réduction individuelle de primes et le contre-projet 28 millions[7]. Les assuré-es recevront donc un subside plus important avec l’initiative qu’avec la proposition du Conseil fédéral, même si la réduction individuelle des primes devrait être augmentée par rapport à la situation actuelle. Cette hausse de réduction individuelle des primes devant être financée en totalité par les cantons, des répercussions fiscales ou en matière de diminution des prestations pourraient aussi avoir une incidence sur les citoyen-nes des cantons.

La consultation dure jusqu’au 4 février 2021.

Lien sur les documents.

[1] Rapport explicatif pour l’ouverture de la procédure de consultation, (ci-après : rapport), p.7, qui reprend les chiffres du monitorage de l’OFSP sur l’efficacité sociopolitique de la réduction des primes.

[2] Voir note 1. Le monitorage analyse la charge de la prime restante pour des ménages de condition économique modeste qui ne perçoivent ni prestations complémentaires, ni aide sociale.

[3] ATF 145 I 26 du 22 janvier 2019, analysé dans un dossier de veille Artias.

[4] Un rapport du Conseil fédéral intitulé « Répartition des tâches entre la Confédération et les cantons » avait été publié en septembre 2018, l’Artias en avait parlé dans une actualité.

[5] Rapport, p.9.

[6]Selon une analyse de l’Union syndicale suisse, citée en p.11 du rapport, il s’agit du revenu imposable, moins les déductions sociales pour les enfants, jeunes adultes et personnes élevant seules leurs enfants, plus 1/5 de l’actif net.

[7] Rapport, p.17.