Une étude récente, commandée par la Plateforme nationale contre la pauvreté[1], se concentre sur les difficultés que les personnes concernées par la pauvreté et peu qualifiées rencontrent pour accéder à une formation. Des entretiens détaillés ont été menés avec 80 personnes peu qualifiées et menacées ou touchées par la pauvreté dans les trois grandes régions linguistiques de Suisse d’octobre 2021 à janvier 2022. 57 entretiens avec des spécialistes des domaines de la formation, des affaires sociales et des collectifs autogérés complètent les résultats.
Modèle explicatif
L’analyse de ces différents entretiens a permis de créer un modèle mettant en évidence les interactions entre la situation socio-économique des personnes et l’impact que les injonctions de la société ont sur eux. Quatre facteurs influencent les priorités et les stratégies en matière de formation :
- facteurs situationnels : contraintes sociales due à la situation de vie (famille monoparentale, plus de 50 ans, etc.) ;
- facteurs dispositionnels : attitude spécifique envers l’idée de formation en raison du parcours de vie (manque de confiance en soi à cause de mauvaises expériences à l’école, préférence pour l’apprentissage pratique, etc.) ;
- facteurs structurels : structures inégalitaires et discriminantes profondément ancrées dans la société (manque d’offres d’accueil extrafamilial pour enfants, cotisations sociales élevées dans le 2epilier passé 50 ans, etc.) ;
- facteurs institutionnels : accès limité aux offres de conseil et aux aides financières (conception même de l’assurance-chômage, conditions d’octroi de l’aide sociale, etc.).
Difficultés d’accès à la formation et injonctions de la vie
Plusieurs problématiques ressortent des facteurs mentionnés : les difficultés financières combinée au non-accès aux offres (financées) de formation et de conseil s’avèrent décisifs dans la faible participation à la formation. C’est encore plus marquant lorsque le financement par l’aide sociale n’entre pas en ligne de compte pour fournir une sécurité matérielle (car droit inexistant ou non-recours volontaire). De plus, le désir de suivre une formation est la plupart du temps en concurrence avec d’autres nécessités et besoins tout aussi importants, comme l’obligation d’assurer sa subsistance ou le besoin de repos. Il existe également une forte injonction sociale à assurer soi-même la couverture de ses besoins vitaux, pression qui peut mener à miser sur la stabilité professionnelle plutôt que sur la formation.
Pistes d’amélioration
Le rapport met en évidence l’indispensabilité de créer des financements plus nombreux et plus efficaces pour permettre aux personnes en difficulté financière de suivre une formation initiale ou continue. Les structures et les offres doivent mieux intégrer la possibilité de conjuguer emploi, formation et prise en charge d’enfants ou de proches. Il importe également de faciliter la reconnaissance des formations non formelles, informelles ou suivies à l’étranger et l’implication des employeurs doit également être renforcée. Par ailleurs, il faut créer des offres d’information professionnelle, faciles d’accès et indépendantes de l’aide sociale. Les conseils et le suivi doivent être coordonnés au niveau interinstitutionnel et les offres proposées plus souvent sous forme de modules. De manière générale, la question de la formation et de la promotion de la formation doit tenir compte des contraintes liées à la pauvreté.
Pour d’autres éclairages, voir nos rubriques Social >> Pauvreté >> Lutte contre la pauvreté et Travail >> Former pour insérer
[1] Cette étude, publiée le 19 janvier 2023, a été réalisée par l’Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW), en coopération avec la Haute école de travail social (HETS) et la Scuola universtaria professionale della Svizzera italiana (SUPSI).