Enfants migrants, enfances mouvementées

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La Commission fédérale des migrations (CFM) a organisé sa conférence annuelle sur le thème des migrant-e-s mineur-e-s, sous l’intitulé « Enfances mouvementées – vulnérabilités et autonomisation des enfants et des jeunes dans la société suisse de migration. ». En est issue une exposition, en collaboration avec douze ONG, et le dernier numéro du magazine Terra cognita[1].

Dans ce numéro, Terra cognita publie de nombreux textes de spécialistes et rappelle que cette thématique occupe la CFM depuis de nombreuses années. Y sont rappelées des évidences qui n’en sont pas, car les migrant-e-s mineur-e-s, en particulier lorsqu’ils et elles arrivent par la voie de l’asile ou ne possèdent pas (ou plus) de titre de séjour légal, sont considérés d’abord comme des migrant-e-s avant d’être des enfants. De placer le bien-être de l’enfant en priorité demande un changement de paradigmes, en particulier, justement, de considérer ces enfants et ces jeunes d’abord comme des enfants, peu importe leur statut de séjour, et de ne pas non plus les traiter comme des « bagages » de leurs parents[2].

Résumer le magazine n’est pas aisé ; il est toutefois possible de souligner certains messages : tout d’abord, la non-reconnaissance des droits et de la dignité des enfants migrants connaît une longue histoire[3]. Par ailleurs, ces violations des droits humains existent dans toute l’Europe : ainsi, plus de 10’000 enfants et jeunes réfugié-e-s sont portés disparus en Europe. C’est un phénomène méconnu, les enfants en question se retrouvent particulièrement en danger, exposés au risque d’être victimes de la traite d’êtres humains[4].

L’aide d’urgence, compatible avec les droits de l’enfant ?

Ensuite, les résultats d’une recherche nationale effectuée sur mandat de la CFM sur la situation des enfants qui vivent avec l’aide d’urgence sont rappelés[5] : en résumé, les conditions de l’aide d’urgence mettent en péril le bien-être, la santé et le développement des enfants. En 2022, environ 700 enfants vivaient dans cette situation extrêmement précaire, la plupart d’entre eux depuis largement plus d’une année. Ce cocktail explosif de violence, de promiscuité, de pauvreté, combiné avec la pression psychique que ressentent leurs parents, est de nature à porter gravement atteinte à leur santé mentale et à prétériter leur développement.

Les enfants migrants représentent un groupe particulièrement vulnérable, ils devraient être reconnus comme tel, tout comme devrait être reconnue l’importance de garantir leurs droits fondamentaux[6]. Or, « ni le législateur, ni la jurisprudence du Tribunal fédéral ne prennent pleinement en compte la portée de la Convention relative aux droits de l’enfant à la vie et au développement, à la garantie de son intérêt supérieur et à l’absence de discriminations en raison de son statut de séjour[7]. » L’aide d’urgence doit être par conséquent repensée et individualisée pour les enfants, afin de leur offrir les moyens de vie suffisants pour permettre leur développement physique, psychique, moral et social (art. 27 CDE). Par ailleurs, l’accès aux soins et à la formation doivent être garantis. Le statut de séjour lui aussi peut porter atteinte à leurs droits. La durée passée à l’aide d’urgence devrait être sensiblement raccourcie pour les enfants et leur situation régularisée.

Une autre catégorie d’enfants, celles et ceux qui ne possèdent aucun droit de séjour, sont également privés de leurs droits élémentaires en raison de leur situation de séjour[8].

Terra cognita publie également une lettre commune de cinq commissions extraparlementaires à destination du Conseil des États demandant de ne pas interdire le regroupement familial aux personnes admises à titre provisoire[9]. Ces voix – et d’autres, ont été entendues, puisque lors de la session d’hiver 2024, le Parlement a définitivement liquidé deux motions provenant de l’UDC, qui demandaient que les familles possédant le statut d’admis provisoires ne puissent requérir de regroupement familial.

Enfin, de nombreuses contributions réfléchissent aussi à l’intégration des enfants et des jeunes migrant-e-s et font le point sur des initiatives favorisant leur intégration, leur accès à la formation et à l’indépendance[10].


Voir également notre article : « Enfants à l’aide d’urgence menacés dans leur santé et leur développement« 

Pour d’autres éclairages, voir nos rubriques :

Migrations>> en général

Migrations>>asile

Migrations>>intégration


[1] https://www.terra-cognita.ch/fileadmin/user_upload/terracognita/documents/terra_cognita_40_bf.pdf, consulté le 23.12.2024.

[2] Selon l’expression de Martina Caroni, p.42ss.

[3] Lire p.ex. Walter Leimgruber: Kinder als Opfer der Aushandlung von Normen und Werten, p. 17ss et Kaspar Surber, Sonja Matter: Längst alle Kinder und Familien galten und gelten als Schützenwert, p.22ss, ainsi que les contributions sous «perspectives historiques», p. 30ss.

[4] Andrea Hartmann: Das Phänomen der verschwundenen Flüchtlingskinder, p.89.

[5] Étude mandatée par la CFM, Patricia Lannen, Raquel Paz Castro, Vera Sieber, Marie Meierhofer Institut für das Kind : Enfants et adolescents à l’aide d’urgence dans le domaine de l’asile, enquête systématique sur la situation en Suisse, septembre 2024.

[6] Nesa Zimmermann : les enfants particulièrement vulnérables dans le contexte de la migration sous l’angle des droits humains, p.48.

[7] Cesla Amarelle, Nesa Zimmermann : Aide d’urgence et droits de l’enfant, p.74.

[8] Bea Schwager: Sans-Papiers-Kinder: Unsichtbar une ausgegrenzt, p.98.

[9] COFF, CFEJ, CFM, CFQF, CFR : N’interdisons pas le regroupement familial aux personnes admises à titre provisoire, p.40ss.

[10] Voir sous « Politiques publiques cohérentes et responsabilités partagées », p. 52ss.