Primes d’assurance-maladie impayées, listes noires, diminution du nombre des poursuites : les décisions du Conseil national

Lors de cette session d’hiver 2021, le Conseil national s’est penché sur le sort des assuré-e-s qui ne parviennent pas à payer leurs primes d’assurance-maladie[1] : il s’agit d’apporter un correctif aux dispositions actuelles.

Les décisions suivantes ont trouvé l’aval des deux chambres :

Deux poursuites au maximum par année pour les dettes d’assurance-maladie

Actuellement, les créances des caisses-maladie occupent les offices des poursuites : selon une estimation, sur les trois millions de réquisitions de poursuites adressées chaque année en Suisse, entre 700’000 et un million concernent l’assurance-maladie[2]. L’exécution forcée ne porte pas ses fruits, puisque les cantons, garants en dernier lieu du paiement des primes, ont payés, entre 2012 et 2019, près de deux milliards et demi de francs aux caisses-maladie. Le volume des rétrocessions des assureurs-maladie aux cantons ne se monte, quant à lui, qu’à 4,6% des créances prises en charge par les cantons[3].

Les chambres ont décidé de n’autoriser les caisses-maladie à ne poursuivre l’assuré-e qu’au maximum deux fois par année ; cette mesure permet de réduire les émoluments des offices des poursuites ainsi que les frais de rappel et de sommation des caisses. Ces derniers devraient par ailleurs être limités et refléter uniquement les frais effectifs.

Les cantons pourront gérer eux-mêmes les actes de défaut de biens

Actuellement, les cantons prennent en charge 85% des créances impayées de l’assurance-maladie et ces créances continuent à être détenues par les caisses. Dès l’entrée en vigueur de cette révision de la LAMal, ils pourront opter pour une prise en charge de 90% des créances et en obtenir la propriété. Ils pourront faire de même avec les créances antérieurement prises en charge en versant un supplément de 3%.

Les enfants ne paieront plus pour les dettes contractées par leurs parents

Les enfants ne seront plus tenus responsables des primes et des participations impayées par leurs parents et ne figureront pas non plus sur d’éventuelles listes noires, ce mécanisme qui permet à certains cantons de limiter les prestations médicales des débiteurs et débitrices de primes à la médecine d’urgence. Les poursuites intentées à leur encontre seront nulles. Ces dispositions s’appliqueront à tous les assuré-e-s encore mineur-e-s au moment de leur entrée en vigueur.

Les cantons qui le souhaitent pourront continuer à tenir des listes noires

Tant le Conseil des Etats que le Conseil national ont refusé de retirer la possibilité aux cantons de tenir des listes noires des débiteurs et des débitrices de créances des caisses-maladie, un dispositif qui permet de restreindre leur accès aux soins. Notons que le Conseil fédéral avait pris position pour l’abolition de ces listes, qui existent actuellement dans cinq cantons (Argovie, Lucerne, Tessin, Zoug et Thurgovie).

Quelques divergences restent encore :

Modèles d’assurance et changement d’assureur

Contrairement au Conseil des Etats, le Conseil national rejette l’obligation, pour les assuré-e-s en retard de paiement, de s’affilier à un modèle d’assurance alternatif. En revanche, contrairement à la réglementation actuelle, le Conseil national propose de permettre à ces assuré-e-s de changer d’assureur.

Introduction des primes et frais courants dans le minimum vital de la personne se retrouvant aux poursuites

Le Conseil national a par ailleurs accepté une modification de la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite qui permet à la débitrice ou au débiteur de demander à l’office des poursuites de régler les factures de primes et de participation aux coûts en cours : cette mesure permet d’empêcher les poursuites pour des factures faisant en réalité partie du minimum vital de la personne saisie et de diminuer frais, intérêts moratoires et émoluments.

Pour suivre…

L’initiative cantonale du Canton de Thurgovie sera à l’ordre du jour de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats des 20 et 21 janvier 2022. Le Conseil des Etats s’en saisira vraisemblablement lors de la session de printemps 2022.

Paola Stanić, juriste


Informations complémentaires sur le site de l’Artias :

Deux dossiers thématiques, qui retracent l’historique de cette modification législative :


[1] Il s’agit du traitement de l’initiative cantonale 16.312 du Canton de Thurgovie : exécution de l’obligation de payer les primes. Modification de l’article 64a de la Loi fédérale sur l’assurance-maladie.

[2] Conférence de presse des préposés de la Ville de Zürich du 22 mai 2019 (lien pdf)

[3] Ces données proviennent de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS), le second chiffre représente une estimation, le tout se trouve dans un dossier de veille de l’Artias publié avant les débats dans les Chambres, le 17 mai 2021 intitulé : Primes d’assurance-maladie impayées : à petit pas vers une meilleure solution ?