Depuis le 1er juillet 2024, les personnes assurées faisant l’objet d’une saisie de revenus ont la possibilité de charger l’office des poursuites de payer leurs primes courantes et leurs participations aux coûts de l’assurance obligatoire des soins (art. 93, al. 4 LP).
Cette mesure doit permettre d’aider les débiteurs à sortir de la spirale de l’endettement en réduisant le nombre de leurs poursuites et de leurs dettes en les aidant à inclure l’ensemble des charges admises dans le minimum vital. Avant ce changement de loi, les offices des poursuites n’étaient pas tenus d’effectuer des démarches lorsque les primes de l’assurance-maladie courantes n’étaient pas réglées : ils pouvaient simplement ne pas en tenir compte dans le minimum vital (alors que primes et participations aux coûts font partie du minimum vital selon le droit des poursuites lorsqu’elles sont effectivement payées).
Désormais, la loi oblige les offices de poursuite à donner suite à une demande du débiteur visant à payer lesdites factures en prélevant le montant directement sur la quotité saisissable et à tenir compte de ce montant dans le calcul du minimum vital. Il s’agit d’une pratique déjà possible, établie dans de nombreux offices et qui a fait ses preuves[1].
Dans son instruction n°11 du 29 avril 2024, le service Haute surveillance LP précise l’application de la nouvelle disposition :
- C’est sur requête du débiteur que l’office demande à l’employeur de lui verser le montant nécessaire au paiement des primes et de la participation aux coûts ; le débiteur transmet les factures à l’office qui verse le montant à l’assureur.
- Les offices peuvent continuer d’agir sur procuration du débiteur et recevoir les factures directement de l’assureur. Dans ce contexte, les dispositions relatives à la protection des données et à la confidentialité doivent être respectées.
- Seules les créances en cours sont concernées par cette démarche, les arriérés de primes en sont donc exclus.
- L’office des poursuites est tenu d’informer le débiteur, par oral ou par écrit et le plus tôt possible, qu’il peut faire une demande au sens de l’art. 93, al. 4 LP.
Avec la pratique, il sera possible d’évaluer l’impact de cette disposition sur le nombre des poursuites, sur les finances des offices des poursuites ainsi que sur le nombre de débiteurs saisis[2]. L’expérience permettra aussi de répondre à certaines questions ouvertes, qui concernent en particulier le traitement de demandes provenant de débiteurs ou de débitrices aux revenus fluctuants, ou dont le salaire ne permet pas de payer l’ensemble des frais médicaux, que ce soit de manière constante ou ponctuelle.
Enfin, la généralisation de cette nouvelle tâche des offices des poursuites pourrait permettre de mieux comprendre certains effets de seuils liés aux coûts de la santé et les situations dans lesquelles le minimum vital du droit des poursuites n’est pas atteint malgré la présence de revenus et de subsides.
Ces connaissances pratiques pourraient par ailleurs profiter à l’élaboration d’une réglementation efficiente en matière de paiement de l’impôt courant des débitrices et des débiteurs saisis, comme l’a décidé le Parlement fédéral en mai 2024[3].
L’Artias documente la problématique des créances d’assurance-maladie impayées depuis longtemps et a publié une série de dossiers sur le sujet :
- Jean-Baptiste Beneton : Créances d’assurance-maladie impayées : amélioration du recouvrement pour les cantons et listes noires tenaces, Dossier de veille, mars 2022.
- Yves de Mestral : Paiement des primes d’assurance-maladie courantes : projet-pilote des Offices des poursuites de la Ville de Zurich, Dossier du mois, février 2022.
- Paola Stanić : Primes d’assurance-maladie impayées : à petits pas vers une meilleure solution ? Dossier de veille, mai 2021.
- Florence Meyer, Martine Kurth, Sébastien Mercier : Jeunes endetté-es à la majorité parce que leurs parents n’ont pas payé leurs primes d’assurance-maladie, Dossier de veille, octobre 2017.
[1] Voir Yves de Mestral : Paiement des primes d’assurance-maladie courantes : projet-pilote des Offices des poursuites de la Ville de Zurich, Dossier du mois Artias, février 2022.
[2] Le projet-pilote cité dans la note précédente avait donné une première estimation de 7,5% à 11,2% de poursuites en moins (pp.16-17).
[3] https://artias.ch/2024/05/les-impots-courants-seront-inclus-dans-le-minimum-vital-du-droit-des-poursuites/, 15.08.2024.