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Statistique des poursuites et faillites 2024 de l’OFS : lacunes publiques, business privé

L’Office fédéral de la statistique annonce des chiffres records

Pour la quatrième année consécutive, le nombre d’ouvertures de faillites augmente. S’il avait diminué en 2020, que l’on peut qualifier d’année Covid, il progresse depuis 2021. En 2024, il a crû de 10,3% par rapport à 2023. L’OFS souligne que le nombre d’ouvertures de faillites a plus que doublé depuis les années 1990. Notons que ces résultats comprennent tant les faillites des entreprises que celles des particuliers, procédures de répudiation de l’héritage y compris.

En revanche, les pertes financières résultant des clôtures de faillites ont baissé, aussi pour la quatrième année consécutive. Il faut toutefois relativiser la portée de ce dernier résultat, puisqu’une seule faillite clôturée en 2020 avait occasionné des pertes de 6,5 milliards après une procédure qui avait duré plus de 16 ans. Depuis 2020, le montant des pertes baisse chaque année et les pertes sont d’ailleurs plus basses ces quatre dernières années que durant les années 1995 à 2010.

Dans le domaine des poursuites également, la tendance est à la hausse : 3 306 997 commandements de payer ont été établis en 2024, donnant lieux à l’exécution de 1 780 757 saisies et à 698 228 réalisations. Ces actes peuvent aussi concerner tant des entreprises que des particuliers. Par ailleurs, le montant des créances faisant l’objet de ces actes de poursuites est inconnu, tout comme la ventilation de ces derniers par débitrice ou par débiteur.

Une appréhension statistique lacunaire de l’exécution forcée

Comme nous l’avions déjà relevé, les statistiques des poursuites de l’OFS restent lacunaires, puisqu’elles ne permettent pas de différencier les particuliers des entreprises, ni d’ailleurs de donner une idée des montants qui font l’objet d’une procédure de poursuites ou de la ventilation des actes de poursuites par débitrice ou par débiteur. Tant sur le sujet des faillites d’entreprises que sur celui du surendettement des particuliers, la statistique de l’Office fédéral permet tout au plus d’éclairer l’obscurité au moyen d’une allumette.

Le business avec les chiffres

En ce qui concerne les entreprises, le Centre de recherche conjoncturelles de l’école polytechnique de Zurich a étudié l’évolution des faillites d’entreprises sur la base de chiffres du registre du commerce, collectées et traitées par une société de recouvrement et de renseignements sur la solvabilité, Dun & Bradstreet AG.

Au sujet des particuliers, la société CRIF SA a récemment publié un taux de débiteurs de 5,5% et, contrairement aux statistiques officielles, ce taux se trouve en léger recul. Cette information a fait l’objet d’un communiqué de presse et a ensuite été reprise par plusieurs médias.

Ainsi, à défaut de statistiques officielles, la recherche, les services de l’État ainsi que la presse utilisent les données de sociétés privées à l’origine actives dans le recouvrement de créances, permettant ainsi à ces dernières de développer une seconde activité lucrative en monnayant leurs bases de données de débitrices et de débiteurs.

Toutefois, le chiffre conférant l’apparence de la vérité à une information, la question de la méthodologie de la récolte de ces données n’est que rarement posée. Et c’est dommage : en réponse à cette question, nous avons appris que le taux de débiteurs en question est calculé sur la base des données des sociétés de recouvrement, des télécommunications du e-commerce et de la vente par correspondance.

Cela signifie que les chiffres qui servent à produire cette statistique proviennent principalement de l’activité de recouvrement. Ce qui est en baisse, ce n’est donc pas le taux de débiteurs, mais les actes de poursuites liés à l’activité de recouvrement. Cela ne peut pas être considéré comme équivalent, puisqu’en particulier, les créances fiscales ne font pas partie de la base statistique, ni d’ailleurs les créances de l’assurance-maladie, du moins dans leur majorité, alors que ce sont les deux types de dettes les plus fréquentes chez les particuliers.

Contrairement à ce qui est mentionné dans le communiqué de presse de la société, le « taux de débiteurs » ne permet par conséquent aucune déduction générale, ni concernant les régions, ni par rapport à l’âge et encore moins concernant le genre des personnes surendettées, puisque dans un couple, c’est souvent la personne qui réalise le revenu le plus important qui contracte ou qui est l’objet d’une procédure de poursuites pour une créance solidaire.

Dans l’attente de statistiques parlantes

Le manque de statistiques publiques signifiantes représente un double dommage, puisqu’il empêche d’évaluer une réalité représentée comme inquiétante selon les indicateurs et qu’il permet aussi à des entreprises privées de combler cette importante lacune par des services lucratifs dont on peut questionner la méthodologie.

Or, en matière de surendettement, le besoin de monitorage est avéré. En ce qui concerne les particuliers, il devient même crucial, puisqu’il permettrait d’évaluer les effets des modifications des dispositions concernant les dettes de l’assurance-maladie, qui sont entrées en vigueur entre le 1er janvier 2024 et le 1er juillet 2025, et, à l’avenir, les éventuelles modifications de la Loi sur la poursuite pour dettes et la faillite actuellement en discussion. La situation des entreprises également doit être mieux documentée, ne serait-ce qu’en raison de la faculté, introduite au 1er janvier 2025, pour les créanciers publics de les poursuivre par la voie de la faillite.

Un pas vers cette direction a été franchi par la Confédération, qui demande dès le 1er janvier de cette année aux offices des poursuites de différencier les actes de poursuites et de faillites au moyen du n° IDE (pour les entreprises inscrites au registre du commerce) et du n° AVS (pour les particuliers et les sociétés simples non inscrites au registre du commerce)[1]. Dès 2026 au plus tôt, il devrait être possible d’éclairer mieux la problématique du surendettement, qui représente une donnée essentielle de l’activité économique d’une société.

Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Social >> Pauvreté >> Endettement et surendettement


[1] Instruction no 10 du 1er septembre 2023, consultable sur le site https://www.bj.admin.ch/bj/fr/home/wirtschaft/schkg/weisungen.html, consulté le 15 avril 2025.

Salarié-e ou indépendant-e ? Proposition de modifications du cadre légal permettant de classifier les activités économiques du point de vue des assurances sociales

Le rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N), en réponse à l’initiative parlementaire 18.455 « Accorder la qualité de personne exerçant une activité lucrative indépendante en tenant compte de la volonté des parties », a été publié en mars 2025. Pour rappel, l’initiative vise à changer les critères de distinction entre activité salariée et indépendante dans le domaine des assurances sociales, en accordant une plus grande importance aux termes du contrat.

La CSSS-N s’est montrée favorable à ce changement en suivant la volonté de l’auteur de l’initiative. Dans son avant-projet, elle propose ainsi d’inscrire directement dans la loi le critère de l’accord passé entre les parties, soit le contrat, en plus des critères développés par la jurisprudence, soit ceux de la subordination organisationnelle et du risque entrepreneurial.

Peu après la publication du rapport de la CSSS-N, le Conseil fédéral a pris position sur les propositions qu’il contient. Il considère que le droit en vigueur est suffisamment clair et flexible et qu’il est basé sur des critères objectifs. Par ailleurs, il met en garde contre les atteintes potentielles à la sécurité juridique ainsi que contre un affaiblissement significatif de la protection des travailleuses et des travailleurs qu’une telle réforme pourrait entraîner. Pour ces raisons, le Conseil fédéral estime qu’il n’est pas nécessaire de légiférer en la matière et préconise de maintenir les règles en vigueur.

Le Parlement débattra prochainement de ce projet.


Pour rappel, l’Artias a publié en septembre 2024 un dossier de veille « Statut d’indépendant : accorder plus d’importance au contrat ? Mise en consultation de l’initiative parlementaire Grossen 18.455 – Mise en contexte » mettant en contexte cette initiative parlementaire afin de dégager les nombreux enjeux soulevés par celle-ci, notamment en termes de risque de précarisation des travailleurs et de diminution de leur protection sociale.

Autre dossier de veille de l’Artias : « Assurances sociales à l’épreuve de l’ubérisation »

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Travail >> Marché du travail >> Travail indépendant

Social >> Assurances sociales >> Assurances sociales – partie générale

Congé parental – Publication d’un rapport comparatif de différents modèles

Le Conseil fédéral a adopté un rapport analysant les coûts et l’utilité de différents modèles de congé parental en Suisse en réponse au postulat 21.3961.

Deux modèles de congé parental, qui s’ajouterait aux congés existants de maternité et de l’autre parent, sont examinés dans ce rapport :

  • le modèle parental paritaire avec une durée égale de 11 semaines pour chaque parent ;
  • le modèle parental modulable avec une répartition flexible entre les parents avec certaines limitations. Les parents bénéficient ensemble de 22 semaines dont 6 sont réservées au père ou à l’autre parent.

Tous les modèles envisagés sont régis par le droit fédéral. Leur financement et leur indemnisation reposent sur le régime des allocations pour perte de gain.

Selon le Conseil fédéral, ces modèles pourraient améliorer la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, ainsi que la santé des mères et le développement des enfants. Par ailleurs, la répartition de la garde des enfants et des tâches ménagères serait plus égalitaire. Toutefois, la mise en œuvre d’un congé parental nécessiterait des besoins de financement plus élevés que le système actuel des congés de maternité et de l’autre parent, pouvant entraîner une augmentation des charges salariales.

Comparativement au congé parental paritaire, le congé parental modulable entraînerait des répercussions moins marquées sur le revenu de l’autre parent, générant une hausse plus modérée des charges salariales. En revanche, le modèle paritaire favoriserait davantage la participation des mères au marché du travail.  

Bien que le Conseil fédéral souligne la nécessité d’analyses plus approfondies pour mesurer de manière globale les effets d’un congé parental sur la valeur ajoutée, l’emploi, l’évolution démographique et les recettes fiscales, ce rapport constitue une base pour les futures discussions sur la conception d’un éventuel congé parental en Suisse.

À cet égard, soulignons que plusieurs objets parlementaires sur l’introduction d’un congé parental sont en cours d’examen au Parlement. Il s’agit notamment des initiatives cantonales visant soit l’introduction d’un congé parental à l’échelle nationale (JU, TI, VS), soit à la possibilité pour les cantons d’instituer leur propre congé parental (GE). Une initiative populaire réclamant l’instauration d’un congé familial est également en cours de récolte de signatures.

Lien vers le rapport du Conseil fédéral « Bases empiriques et faisabilité d’une analyse macroéconomique coûts-bénéfices de différents modèles de congé parental » donnant suite au postulat 21.3961 déposé par la CSSS-N le 23 juin 2021

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Familles >> Politique familiale >> Conciliation vie familiale et vie professionnelle

Familles >> Politique familiale >> Engagement familial des pères

Conséquences de la suppression des règles spécifiques à l’état civil dans l’AVS

En Suisse, le système de prévoyance vieillesse du premier pilier (AVS) applique des règles spécifiques aux couples mariés. Il s’agit notamment du plafonnement des rentes et du partage des revenus. Une étude récente mandatée par l’Office fédéral des assurances sociales s’est penchée sur les implications d’un régime AVS indépendant de l’état civil. ​

Soulignons que cette étude s’inscrit dans un contexte de débats parlementaires particulièrement nourris sur cette thématique. Elle fait d’ailleurs suite à l’adoption du postulat demandant un rapport sur les conséquences d’une prévoyance vieillesse indépendante de l’état civil.

Système actuel : Plafonnement des rentes AVS et partage des revenus (splitting)

Actuellement, la somme des rentes individuelles des conjoint-e-s marié-e-s est plafonnée à 150 % de la rente maximale individuelle. En 2024, ce plafond s’élève à 3’675 francs par mois. Sans ce plafonnement, chaque conjoint-e pourrait théoriquement percevoir jusqu’à 2’450 francs, portant le total potentiel pour le couple à 4’900 francs mensuels. ​

Le système actuel prévoit également un partage des revenus réalisés pendant le mariage pour calculer les rentes individuelles. Cette mesure vise à protéger financièrement le conjoint ayant des revenus plus faibles, souvent en raison d’activités non rémunérées comme l’éducation des enfants ou les soins aux proches. ​

Effets de la suppression de ces règles

L’étude indique que la suppression de ces règles bénéficierait principalement aux couples mariés à revenus moyens et élevés, qui verraient leurs rentes augmenter.

En revanche, les conjoint-e-s à faibles revenus pourraient subir des pertes financières. ​En cas de divorce ou de veuvage, le ou la conjoint-e ayant assumé la majeure partie du travail non rémunéré – encore aujourd’hui le plus souvent les femmes – perdrait également une partie importante de sa rente, au profit d’une rente plus élevée pour le ou la partenaire disposant d’un revenu plus élevé.

La suppression de la prise en compte de l’état civil élargirait par ailleurs probablement l’écart de rente de vieillesse entre les femmes et les hommes.

Enfin, sur le plan financier, l’abandon d’une AVS dépendante de l’état civil entraînerait une hausse significative des dépenses de l’AVS, puisque la somme des rentes pour la plupart des couples mariés augmenterait. Cela poserait des défis pour la stabilité du 1er pilier. ​

Lien vers l’article résumant l’étude : Revue CHSS « AVS : Quelles seraient les conséquences de la suppression des règles basées sur l’état civil ? » du 7 mars 2025

Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Social >> Assurances sociales >> Assurance vieillesse et survivants (LAVS)

Les évolutions de l’aide sociale : chronologie de l’aide sociale 2000-2024

Pour AvenirSocial, Véréna Keller, professeure honoraire de travail social fait vivre une imposante chronologie de l’aide sociale, dont la quatrième édition vient de paraître.

La chronologie présente l’aide sociale et ses évolutions par deux entrées, l’une chronologique, bien entendu, et l’autre thématique. Le document contient les travaux des trois niveaux décisionnels, donc des communes, des cantons et de la Confédération.

Ainsi, il est rappelé que la question d’une aide sociale fédérale, respectivement d’une loi-cadre de la Confédération, a été portée dès 1905 par différents acteurs, jusqu’à présent sans succès. La CSIAS, créée également en 1905 sous le nom de Conférence des assistants aux pauvres, a édicté une première fois ses normes en 1963. Les montants, censés permettre non seulement la survie, mais aussi une participation minimale à la vie sociale, ont été périodiquement augmentés jusqu’en 2003.

À partir de 2003, les montants des normes CSIAS ont baissé, d’abord pour les jeunes adultes (de 18 à 25 ans), puis, en 2005, pour l’ensemble des bénéficiaires, concomitamment à l’introduction des mesures dites d’activation (supplément d’intégration, franchise sur le revenu).

En 2023, le montant du forfait d’entretien des normes CSIAS est à nouveau équivalent à celui de 2003.

La chronologie recense aussi les projets portés par la CSIAS, l’évolution de l’obligation de rembourser l’aide ainsi que les évolutions constitutionnelles, du droit des étrangers et en matière de protection des données pertinentes en matière d’aide sociale. L’autrice recense aussi les évolutions du droit de l’aide sociale dans les cantons.

Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Social >> Aide sociale

À lire aussi :

Le rôle des conventions de divorce dans la perpétuation des inégalités de genre

Une étude menée par l’Université de Genève se penche sur l’effet des conventions de divorce sur les (in)égalités entre femmes et hommes en Suisse, dans le but de comprendre dans quelle mesure les inégalités entre les ex-conjoints qui existaient pendant la durée du mariage sont atténuées, maintenues ou renforcées après la négociation des conventions de divorce.

Interprétations possibles de l’égalité de genre dans le droit du divorce et évolution de la jurisprudence du TF

Il existe trois manières d’interpréter l’égalité au moment du divorce : l’interprétation formelle-égalitaire, qui met l’accent sur l’autonomie des ex-conjoints ; l’interprétation compensatoire, qui tient compte du travail domestique et d’éducation délivrés pendant le mariage et l’interprétation traditionnaliste, qui accorde une valeur plus élevée au travail rémunéré.

Dans ce contexte, il faut rappeler que le Tribunal fédéral a, ces dernières, années, fait évoluer sa jurisprudence en matière de divorce, en particulier par :

  • L’instauration du modèle des « paliers scolaires », qui exige une réintégration plus rapide et plus importante sur le marché du travail du parent qui s’occupe principalement des enfants (ATF 144 III 481) ;
  • L’abandon de la règle des 45 ans pour la non reprise de l’activité professionnelle (ATF 147 III 308, considérants 5.5 et 5.6) ;
  • La notion de mariage qui a eu un impact décisif sur la vie est relativisée (ATF 147 III 249).

Cette jurisprudence fait donc peser les effets du divorce individuellement sur les ex-conjoints et pose une exigence plus stricte de retour sur le marché du travail, respectivement d’augmentation du taux d’activité, peu importe la situation qui prévalait pendant le mariage. L’institution du mariage perd donc une partie de son rôle protecteur.

D’autres questions sont examinées par l’étude, notamment le partage de la prévoyance professionnelle et la posture professionnelle des avocates et des avocats. Il ressort que dans la plupart des situations, l’interprétation formelle-égalitaire va primer. Toutefois, dans environ un quart d’entre-elles, le choix est porté vers une interprétation compensatoire.

L’interprétation compensatoire pallie partiellement les inégalités post-divorce

L’étude montre que les inégalités économiques entre ex-conjoints tendent à se renforcer à la suite du divorce. Une situation consolidée, en règle générale, par l’interprétation formelle-égalitaire, qui reste la norme aussi chez les avocates et les avocats, une norme actuellement promue par la jurisprudence du Tribunal fédéral. En revanche, une interprétation compensatoire permet de mieux pallier les désavantages liés à l’organisation du couple pendant le mariage.

Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Familles >> Contributions d’entretien

8,1% de la population suisse vivait dans la pauvreté en 2023

L’enquête de l’Office fédéral de la statistique (OFS) sur les revenus et les conditions de vie (SILC) a été publiée. En 2023, 8,1% de la population vivait dans la pauvreté, c’est-à-dire 708’000 personnes, ce qui représente une légère baisse depuis 2022 (8,2%).

Le taux de pauvreté de la population active (aussi appelée « pauvreté laborieuse ») était quant à lui de 4,4%, et donc plus élevé que les années précédentes (2022 : 3,8% ; 2021 : 4,2%). Cela représente 176’000 personnes.

En 2023, 10,1% des personnes en Suisse rencontraient des difficultés à joindre les deux bouts. Le taux de privation matérielle et sociale, qui mesure un renoncement à des activités de base pour des raisons financières, s’élevait à 5.5% (4,9% en 2022). La forme la plus courante de privation était l’incapacité à faire face à une dépense inattendue de 2’500 francs (18,8% de la population).

La proportion de la population ayant des arriérés de paiement, qui avait diminué pendant la pandémie de COVID-19 (4,8%), a augmenté pour s’établir à 6,3% en 2023.

Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Pauvreté > Faits et chiffres

Session parlementaire fédérale – Printemps 2025

Lors de la dernière session parlementaire fédérale, les Chambres ont pris plusieurs décisions d’importance, notamment en matière d’assurances sociales, de politique familiale, d’endettement ainsi que de droit des personnes étrangères.

Assurances sociales

Dans le domaine de l’assurance-vieillesse et survivants, le Conseil des États et le Conseil national ont adopté l’un des trois projets de l’objet du Conseil fédéral 24.073 sur la mise en œuvre et au financement de l’initiative pour une 13e rente AVS. En outre, plusieurs motions visant à élargir le champ et/ou la couverture des personnes assurées du deuxième pilier ont été transmises à la commission compétente (CSSS) pour examen préalable. Ces motions portent sur la prise en compte :

  • du travail d’éducation et d’assistance (24.3920 Crevoisier Crelier) ;
  • des personnes cumulant plusieurs emplois et des travailleurs à temps partiel (24.3921 Wasserfallen) ;
  • ainsi que des personnes au revenu modeste ou des contrats de travail multiples (24.4047 Broulis).

La motion 24.4198 qui vise à lutter contre la perte de pouvoir d’achat des rentiers du deuxième pilier a également été transmise à la commission compétente (CSSS) pour examen préalable.

S’agissant de l’assurance-invalidité, la motion 25.3006 sur le réexamen des décisions d’octroi de prestations de l’AI en cas de graves insuffisances constatées par la COQEM (Commission fédérale d’assurance qualité des expertises médicales) dans les expertises a été adoptée par le Conseil national et transmise au Conseil des États. Cette motion vise notamment à permettre aux assuré-e-s de déposer une demande de révision lorsque la décision de refus de rente ou d’octroi de rente partielle de l’AI repose sur une expertise médicale réalisée par un centre d’expertises ou des médecins avec lesquels la collaboration a été suspendue sur recommandation de la COQEM.

Concernant les prestations complémentaires, le Conseil des États a rejeté la motion 25.3014 sur le 13e rente AI pour les bénéficiaires de prestations complémentaires, entraînant la liquidation de cet objet.

Enfin, dans le domaine de l’assurance-maladie, l’initiative cantonale genevoise 23.319 pour une caisse-maladie publique cantonale unique à Genève a été liquidée après le refus d’y donner suite par le Conseil national. En revanche, la motion 24.3636 qui propose d’adapter la franchise minimale aux conditions réelles, soit de donner la possibilité de l’augmenter périodiquement, a été adoptée par le Conseil national et transmise au Conseil fédéral.      

Familles

Le Conseil des États a refusé de donner suite à deux initiatives cantonales 24.305 et 24.311, du Valais et du Tessin, portant sur l’introduction d’un congé parental national. Il revient dès lors maintenant au Conseil national de décider du sort de ces deux initiatives. Soulignons tout de même à ce propos que deux autres initiatives cantonales portant également sur l’introduction d’un congé parental national (24.310 Jura) et sur la possibilité pour les cantons d’instituer un congé parental (24.301 Genève) sont en cours d’examen par le CSSS-N.

Endettement

En matière d’émoluments, le Conseil des États a adopté avec modification la motion 20.3067 visant à réduire les émoluments en matière de poursuite et de faillite. La modification prévoit de réduire les émoluments en matière de poursuite prévus dans l’ordonnance sur les émoluments perçus en application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (OELP) et d’examiner le montant des émoluments dans le domaine des faillites, qui ne permettent pas toujours de couvrir les frais. L’objet est transmis au Conseil national.

En outre, la question des inscriptions dans le registre des poursuites a également fait l’objet d’un examen durant cette session. Le Conseil des États a refusé de donner suite à l’initiative cantonale genevoise 24.306 pour la radiation automatique des poursuites payées qui est dès lors transmise au Conseil national. Les initiative parlementaire 22.400 et 22.401 visant à donner la possibilité de ne pas communiquer les inscriptions dans le registre des poursuites (au-delà d’une année pour la première et sans condition de temps pour la seconde) ont quant à elles été adoptées par le Conseil des États et le Conseil national.

Droit des étranger-ère-s

Les discussions dans ce domaine ont principalement porté sur le regroupement familial. Le Conseil des États a rejeté deux motions 24.4320 et 24.4444 dont l’objectif était de s’inspirer du Danemark et de la Suède pour restreindre le regroupement familial dans l’intérêt de la Suisse. Elles sont définitivement liquidées. De son côté, le Conseil national a décidé de ne pas entrer en matière sur l’initiative parlementaire 19.464 qui visait à supprimer la discrimination subie par les ressortissants suisses lorsqu’ils demandent un regroupement familial, par rapport aux conditions plus favorable de l’ALCP. L’initiative est également liquidée.

Faciliter l’accès au marché du travail aux personnes détentrices de permis S

Le Conseil fédéral ouvre une consultation visant à faciliter l’intégration professionnelles des personnes détentrices de permis S et à permettre à des personnes diplômées ressortissantes d’État tiers d’accéder plus facilement au marché du travail suisse.

Les changements principaux de la loi sur les étrangers et l’intégration, de la loi sur l’asile et de leurs ordonnances d’application sont les suivants :

  • Pour les détentrices et détenteurs d’un permis S, l’exercice d’une activité lucrative sera soumis à une obligation d’annonce et non plus à une obligation d’obtenir une autorisation ;
  • Les personnes détentrices d’un permis S qui exercent une activité lucrative auront le droit de changer de canton ;
  • Les mêmes personnes auront l’obligation de participer à des mesures d’intégration ou de réintégration professionnelle ;
  • L’accès au marché du travail et aux autorisations de séjour y relatives seront facilités pour les étrangères et les étrangers ressortissants d’États tiers ayant étudié en Suisse, lorsque l’activité lucrative revêt un intérêt scientifique ou économique prépondérant.

Ces modifications impliquent que les autorités d’aide sociale devront annoncer les détentrices et détenteurs d’un permis S sans emploi au service de l’emploi, afin que ce public ait accès aux mesures proposées par ce service. Cette obligation est déjà en vigueur s’agissant des réfugiés reconnus et des personnes admises à titre provisoire (permis F) et ne concerne que les personnes estimées « proches du marché de l’emploi ».

Parallèlement, les personnes détentrices d’un permis S pourront être tenues de participer à des mesures d’intégration ou de réintégration professionnelle. En cas de contravention à cette obligation, l’aide sociale pourra être réduite.

Enfin, le projet prévoit de prolonger la durée des conventions-programmes qui lient la Confédération et les cantons en matière de programmes d’intégration cantonaux.

Le délai pour répondre à la consultation court jusqu’au 2 juin 2025.

Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Migrations >> Intégration

Un quart des jeunes venant d’une famille à l’aide sociale n’obtiennent pas de titre du degré secondaire II

L’OFS publie les résultats d’analyses longitudinales réalisées sur près de 82’000 jeunes, qui démontrent que l’obtention d’un titre du degré secondaire II dépend fortement de la situation socio-économique. 

Ainsi, 8,2% des jeunes qui ont eu 15 ans entre 2011 et 2013 n’avaient pas obtenu de certification du degré secondaire II dix ans plus tard. Ce taux s’élève à 13% pour les jeunes issus de ménages ayant les 20% de revenus professionnels les plus bas, et même à 24,2% pour ceux venant d’une famille à l’aide sociale. Pour les jeunes provenant des ménages avec les revenus professionnels les plus élevés, il n’est en revanche que de 5,1%.

Le contexte socio-économique a également une influence majeure sur le type de titre obtenu. La proportion d’obtention d’une AFP est la plus importante chez les jeunes issus de familles à l’aide sociale (13,3%). Elle est également élevée chez les jeunes venant de ménages dont les revenus professionnels sont bas (8,4%), tandis qu’elle est presque insignifiante chez les jeunes des revenus supérieurs (0,9%). L’ordre des proportions d’obtention d’un certificat de maturité (gymnasiale, spécialisée ou professionnelle) est en revanche inversé (72,7% pour les revenus élevés, 30,6% pour les bas revenus et 20,1% pour les jeunes à l’aide sociale). 

Le niveau de formation ayant une influence importante sur différents aspects de la vie (revenu, travail, santé, vie sociale), ces chiffres semblent indiquer que le problème de la reproduction des inégalités entre générations est loin d’être résolu.

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Enfance > Plus de chances pour tous les enfants

Insertion > Jeunes adultes