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Les statistiques sur l’endettement de l’OFS / SILC pour l’année 2022 sont sorties

L’enquête SILC (Statistics on income and Living Conditions) est une enquête européenne qui sert à analyser la distribution des revenus, la pauvreté, l’exclusion sociale et les conditions de vie au moyen d’indicateurs comparables dans les 30 pays européens qui participent à l’étude. L’office fédéral de la statistique a récemment publié les chiffres pour la Suisse.

Pas de chiffres – pas de problèmes ?

Relevons tout d’abord que le module sur l’endettement intégré à l’enquête SILC dès 2008 comprenait moins de questions en 2022, ce qui est regrettable, d’autant plus que ce manque de données touche la période de la pandémie de COVID-19. Ainsi, il faudra attendre 2026 pour connaître l’évolution du nombre de ménages dans lesquels une procédure de poursuites a été menée ou un acte de défaut de biens délivré[1]. Le même constat doit être effectué pour les données concernant les cartes de crédit[2].

Par ailleurs, l’absence de différenciation entre endettement et surendettement rend difficile l’interprétation des chiffres présentés : ainsi, la présence d’un crédit personnel (ou encore plus d’une hypothèque), sans autres indications, représente une dette, donc un endettement, mais pas nécessairement un surendettement, contrairement à ce que laissent supposer la présence d’arriérés de paiement, de dettes de types différents et encore plus d’un acte de poursuite. Il en va de même pour les leasings ou les cartes de crédits, des instruments totalement banalisés à notre époque et qui, à eux seuls, ne permettent pas de tirer des conclusions sur le surendettement des ménages qui y recourent.

Ce « mélange des genres » affaiblit par exemple la portée du diagramme illustrant le pourcentage de la population vivant dans un ménage avec des dettes[3], puisqu’y figurent leasing, hypothèque hors résidence principale, arriéré de paiement, dette auprès de proches, achat par acompte, crédit à la consommation, compte à découvert et impayé sur cartes de crédits. Ainsi, une personne possédant une résidence secondaire hypothéquée, un leasing et un prêt à la consommation sera comptabilisée comme « cumulant trois types de dettes », alors qu’il est probable qu’elle ne soit pas surendettée.

Quelques indicateurs du risque de surendettement

En 2022, 12,1% de la population totale vivait dans un ménage avec au moins un arriéré de paiement ; ils étaient 17,7% en 2013, 18,9% en 2017 et 14,9% en 2020[4]. Parmi ces personnes, différencions :

  • Par tranche d’âge : en 2022 les plus nombreux sont les enfants et les jeunes, de 0 à 17 ans, qui sont 19,7% à vivre dans un tel ménage, ce qui contribue à illustrer l’impact d’un enfant sur le budget des familles. Ce constat diffère des années précédentes, pour lesquelles ce sont les personnes de 17 à 24 ans qui forment la majorité de ces ménages, avec une proportion de 23,4% en 2020 (contre 19,7% d’enfants jusqu’à 17 ans) ; 25,4% en 2017 (contre 25,2% d’enfants) et 27,0% en 2013 (contre 21,4% d’enfants).
  • Par statut d’activité : sans surprise, les personnes au chômage étaient 32,9% à vivre cette situation en 2022, contre 11,9% des actifs occupés (39,2% en 2013 ; 43,7% en 2017 et 35,3% en 2020).
  • Par structure du ménage : outre la classe de revenu, qui joue évidemment un rôle[5], les familles monoparentales courent un grand risque de se retrouver dans une situation de surendettement :  19,6% d’entre elles possédaient au moins un arriéré de paiement, soit un ménage sur cinq environ (elles étaient 28,1% en 2013 ; 36% en 2017 ; 26,6% en 2022).

Les raisons du recours à l’endettement sont aussi un bon indicateur de la précarité des situations et du risque de surendettement[6] : Ainsi, nous constatons que les ménages aux revenus les plus élevés financent principalement un bien immobilier (hors résidence principale) ou un véhicule par le crédit. Les ménages aux revenus les plus faibles acquièrent également principalement un véhicule. En revanche, ils financent aussi souvent des dépenses de la vie personnelle, l’achat d’équipement ou d’objets, la couverture de frais de santé ainsi que le remboursement d’autres dettes par le crédit.

Pas de surprises quant aux principales dettes des ménages

Les types d’arriérés de paiement restent les mêmes : il s’agit des impôts, suivis des primes d’assurance-maladie, d’autres factures, puis des factures d’eau, d’électricité, de gaz et de chauffage. Le remboursement de crédits arrive en avant-dernière position, suivi des pensions alimentaires[7]. Les arriérés d’impôts frappent surtout les ménages les plus pauvres, en particulier en présence d’une situation de chômage (19,5% en 2022) ou de privation (30,4%)[8].

Besoin d’un développement des statistiques en matière de surendettement et de poursuites

Des statistiques différenciées permettent de mieux comprendre les phénomènes. Leur manque est criant en matière de poursuites, puisque les statistiques de l’OFS ne différencient pas entre les procédures visant les entreprises et les procédures touchant les particuliers. De même, il n’est pas possible de connaître le nombre de procédures de poursuites en cours, mais uniquement le nombre de commandements de payer[9]. Or, plusieurs commandements de payer peuvent concerner le même débiteur. Espérons que les modifications législatives en cours[10] suscitent un développement des statistiques et procurent des instruments de pilotage plus fins aux responsables des politiques publiques.

Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Social >> Pauvreté >> Endettement et surendettement


[1] Selon les enquêtes SILC précédentes, les ménages qui comprenaient des débitrices ou des débiteurs inscrits dans un office des poursuites s’élevaient à 6.1% de la population totale en 2013, à 7,6% en 2017 et à 6,9% en 2020 (juste avant la pandémie de COVID-19). Source : tableau « Poursuite ou acte de défaut de biens, selon différentes caractéristiques socio-démographiques », https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home.assetdetail.32426665.html, consulté le 29.10.2024.

[2] Voir le tableau « Répartition des personnes selon le nombre de cartes de crédit dans le ménage, selon différentes caractéristiques socio-démographiques », https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home.assetdetail.32426666.html, consulté le 29.10.2024.

[3] https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home.assetdetail.32426723.html, consulté le 29.10.2024.

[4] Source : tableau « Présence et cumul de types de dettes, selon différentes caractéristiques socio-démographiques, https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home.assetdetail.32426657.html, consulté le 29.10.2024.

[5] En 2022, 23,4% des arriérés de paiement concernaient des ménages avec un revenu disponible de moins de 33’748 francs et 69% dans les ménages en situation de privation.

[6] Source : diagramme « Pourcentage de la population vivant dans un ménage avec au moins un type de crédits, un compte à découvert ou une facture impayée sur cartes de crédit, en 2022 », https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home.assetdetail.32427182.html, consulté le 29.10.2024.

[7] Diagramme « Pourcentage de la population vivant dans un ménage avec au moins un type d’arriéré de paiement, selon le type d’arriéré », https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home.assetdetail.32426710.html, consulté le 29.10.2024.

[8] Diagramme : pourcentage de la population dans un ménage avec au moins un arriéré d’impôt, https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home.assetdetail.32426717.html, consulté le 29.10.2024.

[9] https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/aktuell/agenda.assetdetail.31186341.html, consulté le 29.10.2024.

[10] Sur le site de l’Artias, voir notamment la veille législative (https://artias.ch/artias_veille/synthese-travaux-legislatifs-federaux/) ainsi que l’onglet « endettement et surendettement» du portail thématique, https://artias.ch/artias_theme/endettement/, consultés le 29.10.2024.

Mieux tenir compte des besoins des enfants et des jeunes à l’aide sociale

La Charte Aide Sociale a mandaté une étude sur la situation des enfants et des jeunes vivant dans a pauvreté. Ses résultats ? Actuellement, les prestations fournies par l’aide sociale sont insuffisantes et il existe des lacunes au niveau de la couverture du minimum vital. On distingue en principe deux types de problématiques. Premièrement, le montant du forfait pour l’entretien augmente trop peu pour chaque enfant supplémentaire d’un ménage, de sorte qu’il est trop bas, surtout pour les familles nombreuses. De plus, les normes CSIAS prévoient les mêmes prestations d’aide pour les enfants en bas âge que pour les jeunes – contrairement aux prestations complémentaires échelonnées en fonction de l’âge. 

Par ailleurs, le versement des prestations circonstancielles destinés à couvrir des besoins particuliers (un loisir p.ex.) varie fortement selon les services sociaux. Du point de vue du droit également, la situation est insatisfaisante : en particulier, l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas systématiquement pris en compte, tout comme sa participation et les normes de droit constitutionnel et international qui concernent le minimum vital social des enfants doivent être plus fortement ancrées dans le droit cantonal de l’aide sociale et systématiquement prises en compte dans le développement continu du droit de l’aide sociale.

L’étude se penche aussi sur la situation des enfants et des jeunes qui perçoivent une aide sociale réduite en raison de leur statut de séjour. Le montant de cette aide sociale réduite varie entre les cantons, avec des forfaits pour des besoins de base estimés de 14% à 52% plus bas que ceux prévus dans l’aide sociale ordinaire. La couverture des besoins de base de ces enfants et jeunes est extrêmement précaire et insuffisante, une situation néfaste à leur bien-être et à leur développement[1].

Liens :

Pour d’autres éclairages, voir nos rubriques :

Social >> Pauvreté >> Pauvreté des enfants

Social >> Aide sociale

Familles >> Enfance >> Plus de chances pour tous les enfants


[1] Cet état de fait a été thématisé par deux études également récentes, sur mandat de la Commission fédérale des migrations, voir p.ex. https://artias.ch/2024/10/enfants-a-laide-durgence-menaces-dans-leur-sante-et-leur-developpement/, consulté le 29.10.2024.

Révision de la loi sur l’aide sociale du canton de Berne : prise de position de la CSIAS

Dans le cadre de la procédure de consultation, la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) a pris position sur le projet de révision totale de la loi sur l’aide sociale du canton de Berne.

Selon le Conseil exécutif du canton de Berne, le projet de loi permettrait entre autres des simplifications dans le traitement administratif ainsi que des incitations pour les bénéficiaires de l’aide sociale et pour les communes, tout en laissant les prestations d’aide sociale inchangées.

Dans sa prise de position, la CSIAS relève que si le projet de loi apporte une nouvelle systématique et une base légale pour la numérisation, il se focalise trop sur le contrôle et les sanctions et néglige l’approche orientée vers les ressources, notamment dans les domaines de l’intégration sociale et professionnelle. De ce fait, le projet de loi ne respecte pas assez les objectifs de l’aide sociale définis par la CSIAS.

Voir également les prises de position de :

Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Social >> Aide sociale >> Normes CSIAS

Enfants à l’aide d’urgence menacés dans leur santé et leur développement

La Commission fédérale des migrations (CFM) a publié récemment deux études : l’une a recueilli dans toute la Suisse des données sur les conditions de vie des personnes mineures vivant à l’aide d’urgence[1], l’autre qualifie juridiquement les conclusions de la première[2].

Se basant sur les résultats de ces études, la CFM pose un constat sans appel : malgré les différences cantonales, tous les enfants et les adolescentes et adolescents concernés sont menacés dans leur santé, leur développement et leur bien-être.

La première étude, commandée au Marie Meierhofer Institut für das Kind, montre que la santé mentale des mineures et mineurs concernés est gravement affectée, surtout pour celles et ceux vivant dans des structures d’hébergement collectifs. Ces enfants et ces jeunes sont exposés à des évènements traumatisants, comme de la violence, des suicides ou des expulsions forcées. Ils vivent dans des endroits isolés, souvent dans une chambre pour toute la famille. L’isolement social, le manque de perspectives et l’impuissance nuisent à leur développement et à leur santé.

Les conditions de vie des ces enfants et adolescentes et adolescents doivent donc être changées, en particulier, l’aide d’urgence ne devrait pas être perçue sur une longue durée et il faut s’assurer que les enfants et les jeunes puissent se développer, participer à la vie sociale et reçoivent un minimum vital décent, ce qui inclut notamment les soins médicaux, un logement décent ainsi que des possibilités de loisirs et de stimulation pour les plus jeunes d’entre eux.

Sur la base de l’étude sur les conditions de vie, l’analyse juridique de la faculté de droit de l’Université de Neuchâtel arrive à la conclusion que les conditions de vie des enfants et des jeunes concernés ne sont conformes ni à la Constitution fédérale, ni à la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l’enfant. Le rapport demande un changement de paradigme : les autorités doivent placer le bien-être de l’enfant au centre de toute décision relevant du domaine des migrations.  

La CFM demande aux acteurs politiques et aux autorités d’application d’améliorer substantiellement les conditions de vie des enfants et des adolescentes et adolescents à l’aide d’urgence, par des changements législatifs et par l’exploitation des marges de manœuvre. Et souligne que les droits de l’enfant s’appliquent indépendamment du statut de séjour.  

Pour d’autres éclairages, voir nos rubriques Migration >> Asile >> Aide d’urgence et Familles >> Enfance >> Loi sur l’asile et convention droits de l’enfant


[1][1] Lannen, Patrizia ; Paz Castro, Raquel ; Sieber, Vera : Enfants et adolescents à l’aide d’urgence dans le domaine de l’asile. Enquête systématique sur la situation en Suisse, éditée par la Commission fédérale des migrations, CFM, Berne, 2024.

[2] Amarelle, Cesla ; Zimmermann, Nesa : Le régime d’aide d’urgence et les droits de l’enfant, avis de droit et étude de conformité à la lumière de la Constitution fédérale suisse et de la Convention relative aux droits de l’enfant, éditée par la Commission fédérale des migrations, CFM, Berne, 2024.

Session parlementaire fédérale – Automne 2024

Lors de la dernière session parlementaire fédérale[1], les Chambres ont pris plusieurs décisions d’importance, notamment en matière d’assurances sociales et de protection des travailleuses et travailleurs, de droit des personnes étrangères et de lutte contre la pauvreté et l’endettement.

Assurances sociales

Dans le domaine de l’assurance-invalidité, la motion 23.3808 qui vise à accélérer la procédure AI et à garantir la sécurité financière des assurées et assurés durant celle-ci, a été transmise au Conseil des États. Cette motion soutenue par le Conseil national, malgré l’opposition du Conseil fédéral, reflète une volonté d’améliorer la protection des assurés et assurées face aux périodes d’attente, pouvant parfois s’étendre sur plusieurs années et engendrer une précarité financière dans certains cas.

Dans le domaine de l’assurance-maladie, plusieurs objets parlementaires en lien avec la réduction des coûts de l’assurance-maladie (p. ex. modèle d’assurance budget ; indexation des primes d’assurances aux coûts de la santé) ont été liquidés. En revanche, la motion 24.3636, soutenue par le Conseil fédéral, qui propose d’augmenter la franchise minimale et de l’adapter périodiquement à l’augmentation des coûts dans l’assurance obligatoire des soins, a été adoptée par le Conseil des États et transmise au Conseil national.    

Assurance-chômage et protection des travailleuses et travailleurs

Trois objets importants ont également émergé concernant l’assurance-chômage. L’initiative parlementaire 20.406, qui vise à assurer que les entrepreneuses et entrepreneurs cotisants à l’assurance-chômage soient eux aussi couverts en cas de perte d’emploi, est renvoyée à la commission du Conseil des États. Par ailleurs, la motion 24.3653, qui demande notamment que les femmes enceintes n’arrivent plus en fin de droits de l’assurance-chômage et que des allocations pour perte de gain soit octroyées en cas d’interdiction d’affection prononcée par un médecin, a été transmises à la commission compétente pour un examen préalable. Enfin, la motion 24.3581, qui propose un versement simplifié des indemnités pour intempéries lors des jours de forte chaleur dans les branches d’activité où la santé des travailleuses et travailleurs est mise en danger en été, a été adoptée par le Conseil des États et transmise au Conseil national.

Droit des étrangers

Dans le domaine du droit des étrangers, des discussions sur le regroupement familial, la protection des personnes réfugiées mineures ainsi que le statut S ont dominé. Les deux motions 24.3057 et 24.3511 visant à interdire le regroupement familial aux personnes étrangères admises à titre provisoire, toutes deux rejetées par le Conseil fédéral, ont été transmises, pour la première, au Conseil des États et, pour la seconde, à la commission compétente pour un examen préalable. Quant au postulat 24.3478 proposant d’introduire des cartes de paiement, remplaçant l’argent liquide, pour les requérantes et requérants d’asile, il a été adopté par le Conseil national et transmis au Conseil fédéral.  

Lutte contre la pauvreté et l’endettement

La motion 23.4450, qui propose de reconduire le programme de prévention contre la pauvreté et d’adopter une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, a été adoptée par les deux Chambres et transmise au Conseil fédéral. Enfin, la motion 23.3554 visant à encadrer et plafonner les frais des sociétés de recouvrement a été adoptée par le Conseil national et transmise au Conseil des États. 


[1] Voir la synthèse des travaux législatifs fédéraux publiée par l’Artias en octobre 2024.

Les personnes accidentées dans leur jeunesse (avant 25 ans) avant qu’elles soient assurées à l’assurance-accidents seront mieux protégées en cas de rechutes ou de séquelles tardives  

Le 27 septembre 2024, le Conseil fédéral a adopté le message relatif à la révision de la loi sur l’assurance-accidents pour mieux protéger les personnes ayant subi un accident dans leur jeunesse, avant 25 ans. Cela fait suite à la motion 11.3811 « Pour combler les lacunes de l’assurance-accidents », déposée en 2011. 

Le projet du Conseil fédéral vise à garantir le versement d’indemnités journalières en cas de rechutes ou de séquelles tardives dues à un accident survenu avant l’âge de 25 ans avant que la personne soit couverte par l’assurance-accidents. Actuellement, les personnes concernées par une telle situation doivent s’appuyer : sur leur caisse-maladie, qui prend en charge les frais médicaux aux conditions de la LAMal ; ainsi que sur leur employeur, qui prend en charge la perte de gain, mais seulement pour une durée déterminée.

Le Conseil fédéral propose ainsi d’ajouter un nouvel alinéa à l’art. 8 LAA précisant que les rechutes et les séquelles tardives, dont souffre un assuré à la suite d’un accident qui n’a pas été assuré par la LAA et qui est survenu avant l’âge de 25 ans, seront considérées comme des accident non professionnels. Dans ce cas de figure, l’assuré aura alors droit, selon l’art. 16 al. 2bis LAA, à des indemnités journalières dès que l’incapacité de travail n’est plus compensée par l’employeur ou une assurance. Ces prestations ne seront ainsi que subsidiaires, puisqu’elles ne seront versées qu’après épuisement des autres formes de compensations. Le droit à de telles indemnités journalières s’éteindra dès que l’assuré aura retrouvé sa pleine capacité de travail ou au plus tard 720 jours après sa naissance.   

Le Parlement devra prochainement se prononcer sur ce projet de modification.

Pour d’autres éclairages, voir notre rubrique Social >> Assurances sociales >> Assurance-accident

Reconnaissance des logements protégés pour les bénéficiaires de PC à l’AVS et à l’AI 

Le 13 septembre 2024, le Conseil fédéral a adopté le message à l’intention du Parlement concernant la modification de la loi fédérale sur les prestations complémentaires (LPC)[1]. Cette réforme a pour but de permettre aux personnes âgées ou en situation de handicap, bénéficiaires de prestations complémentaires (PC) à l’AVS et à l’AI, de rester dans leur propre logement le plus longtemps possible et d’éviter une entrée prématurée en établissement médico-social. Ce logement doit néanmoins être adapté à leurs besoins.

Pour ce faire, des prestations d’aide et d’assistance à domicile seraient octroyées par les cantons dans le cadre du système des PC. Elles comprendraient selon les besoins :

  • un système d’appel d’urgence ;
  • une aide au ménage ;
  • un service de repas ;
  • un service de transport et d’accompagnement ;
  • une adaptation du logement aux besoins des personnes à mobilité réduite ;
  • ainsi qu’un supplément pour la location d’un logement adapté aux besoins des personnes à mobilité réduite.

Par ailleurs, les bénéficiaires se verraient également octroyer un supplément pour la location d’une chambre supplémentaire destinée à leur assistant-e de nuit. Enfin, le Conseil fédéral indique que le supplément pour la location d’un logement permettant la circulation d’une chaise roulante ne sera plus divisé entre tous les membres habitant un même logement. Il ne sera accordé qu’à la ou aux personne-s en chaise roulante. 

Il appartient maintenant au Conseil national et au Conseil des États d’évaluer cette proposition de modification de la LPC et de décider s’ils souhaitent classer le postulat 17.3268 et la motion 18.3716 auxquels répond ce message du Conseil fédéral.  

Pour plus d’informations, voir notre rubrique Social >> Assurances sociales >> Assurance-vieillesse et survivants >> Prestations complémentaires


[1] Communiqué de presse disponible à l’adresse suivante : https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-102450.html. Voir également une précédente actualité de l’Artias en la matière : https://artias.ch/2023/06/reconnaitre-les-logements-proteges-dans-les-prestations-complementaires-a-lavs/.

L’argent épargné sur des rentes du premier pilier est saisissable au sens de la Loi sur la poursuite pour dettes et la faillite

Le Tribunal fédéral s’est prononcé ainsi au sujet d’une saisie effectuée par un office des poursuites sur un compte bancaire d’un rentier.

Ce dernier ne perçoit que des prestations du premier pilier, à savoir une rente AVS et des prestations complémentaires, qui sont toutes deux insaisissables (selon l’art. 92 al.1 ch.9a de la Loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, LP).

Le Tribunal fédéral estime que l’épargne provenant de revenus insaisissables est saisissable, même lorsqu’elle se trouve sur le compte sur lequel les revenus insaisissables arrivent, tant que l’épargne n’est pas utilisée pour financer les dépenses courantes du débiteur. La justification de cette interprétation est que la liste des droits et revenus insaisissables de l’article 92 LP est exhaustive et ne s’étend, sauf réglementation contraire, pas à ses substituts. Ainsi l’épargne constituée par des prestations d’assurance sociales non saisissables et destinées à l’entretien courant devient saisissable. 

Arrêt 5A_253/2024 du 2 août 2024 (all./ proposé pour publication)

Adaptation des directives de l’OFAS concernant le calcul du degré d’invalidité

Le 8 juillet 2024, le Tribunal fédéral rendait un arrêt de principe, l’arrêt 8C_823/2023, relatif à la fixation du degré d’invalidité et plus précisément à la détermination du revenu avec invalidité sur la base des salaires statistiques de l’ESS. Dans cette affaire, les juges fédéraux ont constaté que l’art. 26bis al. 3 du règlement sur l’assurance-invalidité (RAI), dans sa version en vigueur du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023, était trop restrictif dans certaines situations. Il ne permet pas de procéder à une comparaison des revenus aussi concrète que possible. C’est pourquoi, il convient de recourir en complément de l’art. 26bis al. 3 RAI à la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l’abattement dû à l’atteinte à la santé. Pour plus de détails sur l’affaire, voir le dossier de veille de l’Artias récemment publié : Calcul de l’invalidité : les abattements des salaires statistiques restent possibles, Arrêt 8C_823/2023 du 8 juillet 2024.

À la suite de cette jurisprudence, l’OFAS a publié fin août une lettre circulaire AI n° 445 qui traite des conséquences de celle-ci en fonction de la période durant laquelle le droit à la rente est né :

  • Droits à la rente nés avant le 1er janvier 2022, pour lesquels la décision n’a pas encore été rendue : aucune répercussion. Il convient dès lors de se référer aux dispositions en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 ainsi qu’à la jurisprudence correspondante (y compris l’abattement dû à l’atteinte à la santé).  
  • Droits à la rente nés (ou adaptés) entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2023, pour lesquels la décision n’a pas encore été rendue : application éventuelle d’un abattement dû à l’atteinte à la santé. L’arrêt du Tribunal fédéral doit être pris en compte. Aussi, lors de la détermination du revenu avec invalidité sur la base des données statistiques, il faut également examiner la pertinence de l’application d’un éventuel abattement dû à l’atteinte à la santé conformément à la jurisprudence en vigueur avant le 1er janvier 2022. Cela signifie qu’en plus de la déduction de 10% pour le travail à temps partiel, il faut procéder à un éventuel abattement dû à l’atteinte à la santé, qui tient compte des autres caractéristiques, telles que les limitations qualitatives qui n’ont pas déjà pu être prise en compte lors de la détermination de la capacité fonctionnelle ou les années de service.
  • Droits à la rente nés à partir du 1er janvier 2024 : aucune répercussion. Les dispositions en vigueur à partir du 1er janvier 2024 sont applicables. Lors de la détermination du revenu avec invalidité sur la base des valeurs statistiques, seule la déduction forfaitaire de 20 % au maximum est prise en compte.
  • Cas avec une décision entrée en force avant le 8 juillet 2024 : pas besoin de revenir d’office sur la décision. Dans cette hypothèse, l’arrêt du Tribunal fédéral n’oblige pas en effet de revenir d’office sur la décision. En vertu de l’art. 87 al. 2 et 3 RAI, il ne constitue pas non plus un motif suffisant pour une nouvelle demande de rente ou pour une demande de révision du droit à la rente.

Pour d’autres éclairage, voir notre rubrique Social >> Assurances sociales >> Assurance-invalidité

L’octroi du permis F sur une longue durée va-t-il tomber aux oubliettes ?

Pas encore. Toutefois, les contradictions inhérentes[1] à l’admission provisoire occupent les tribunaux à intervalles régulières. Voici l’un des derniers arrêts du Tribunal fédéral à son sujet[2].

Le Tribunal fédéral accorde une autorisation de séjour (permis B) à une écolière syrienne de 15 ans, qui était auparavant détentrice d’une admission provisoire (permis F), en respect de son droit à la vie privée, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH).

L’adolescente A., née en 2009, est arrivée de Syrie en 2014. Comme toute sa famille, elle a reçu un permis F. En 2021, elle a déposé une demande de permis B (autorisation de séjour), qui a été rejetée. Elle recourt contre cette décision. Le Tribunal fédéral a admis son recours et a renvoyé la cause au service de la population afin qu’un permis B soit octroyé à la requérante.

La Haute cour se fonde sur la protection de la vie privée, inscrite à l’article 8 CEDH ainsi que sur les articles 3 et 6 al.2 de la Convention des droits de l’enfant (CDE) en tant qu’ils garantissent le droit à un développement harmonieux.

Le Tribunal fédéral retient que le statut d’admis provisoire peut, dans certaines situations, porter atteinte à la vie privée telle que protégée par l’article 8 CEDH. Pour déterminer cela, il examine si les inconvénients juridiques et factuels que ce statut présente par rapport à celui conféré par une autorisation de séjour entraînent, dans le cas concret, une ingérence dans la vie privée. Pour les personnes mineures, l’examen doit se faire en prenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, indépendamment de celui des parents.

Dans l’arrêt 2C_198/2023 du 7 février 2024[3],  la Haute cour s’est penchée sur les inconvénients liés au statut d’admis provisoires concernant des enfants âgés de 10 et 12 ans, qui avaient ce statut depuis un peu moins de dix ans. La Cour fédérale avait relevé que le permis F pouvait entraîner des inconvénients en matière d’intégration progressive, qu’il restreignait la mobilité géographique et l’accès à une place d’apprentissage. Dans l’arrêt précité, le Tribunal fédéral avait toutefois estimé qu’au vu des circonstances et de l’âge des enfants, les inconvénients liés à l’admission provisoire ne revêtaient pas encore une intensité suffisante pour porter atteinte au droit au respect de la vie privée.

En l’espèce, la recourante est âgée de 15 ans et ressent plus fortement les désavantages liés au statut d’admis provisoire. Plus elle s’approche de la majorité, plus elle doit pouvoir se projeter dans un avenir dans le pays d’accueil et pouvoir envisager, à terme, une naturalisation. Dans sa situation, les contraintes liées à la mobilité internationale peuvent être considérée comme une atteinte à son droit au respect de la vie privée, car elle peut être amenée à voyager seule, à des fins de formation ou dans le cadre de sorties scolaires.

Surtout, estime la Haute cour, la recourante à bientôt atteint la fin de sa scolarité obligatoire et est concrètement confrontée à la question de la poursuite de son parcours et son admission provisoire peut constituer un frein à cet égard.

Ensuite, le Tribunal fédéral examine d’une part l’intégration et d’autre part l’exigibilité du départ vers la Syrie afin de déterminer si cette atteinte permet à la recourante d’obtenir une autorisation de séjour. L’intégration de cette dernière est réussie : elle qui vit en Suisse depuis environ neuf ans. Elle a une excellente maîtrise du français, est très bien intégrée et a d’excellents résultats scolaires compte tenu des circonstances. Sous l’angle de l’intérêt public, il n’apparaît pas que le statut d’admis provisoire puisse être levé et son renvoi vers la Syrie ordonné dans un avenir prévisible. De toute évidence, poursuit la Haute cour, la recourante va poursuivre de toute façon sa formation et son parcours en Suisse. Compte tenu de toutes les circonstances, son intérêt privé à être mise au bénéfice d’une autorisation de séjour l’emporte sur l’intérêt public au maintien d’une admission provisoire.

Le recours de A. est admis.

Lien vers le communiqué de presse du Tribunal fédéral.

Pour d’autres éclairages, voir nos rubriques Migration >> En général et Asile


[1] Défini à l’article 83 de la Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI), le permis F suit une décision de refus de permis de séjour et est octroyé si l’exécution du renvoi n’est pas possible, pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée. L’admission ne correspond pas à un droit de séjour ordinaire et peut n’avoir de provisoire que le nom.

[2] Arrêt 2C_157/2023 du 23 juillet 2024 (fr. / suggéré pour publication).

[3] Publié aux ATF 150 I 93.