L’initiative parlementaire « La pauvreté n’est pas un crime[1] » demande que le recours à l’aide sociale ne soit plus un motif de révocation du permis de séjour pour les étrangers qui résident depuis 10 ans ou plus, de manière légale et ininterrompue, en Suisse. Cette initiative a été adoptée par le Parlement en juin 2023.
L’initiative vise à protéger les personnes résidant depuis longtemps en Suisse, voire nées dans le pays, d’une fin de séjour due uniquement à un recours à l’aide sociale. Les seules exceptions prévues dans le texte original sont le fait de délibérément tomber dans la pauvreté ou de ne rien avoir fait pour en sortir. Dans ces deux cas de figure, le permis peut être révoqué.
Fin novembre 2024, la Commission des institutions politiques du Conseil national a mis en consultation un projet de loi relatif à l’initiative parlementaire[2] :
Le projet modifie l’objectif de l’initiative parlementaire « la pauvreté n’est pas un crime » : il ajoute deux nouveaux alinéas 1bis aux articles 62 et 63 de la Loi sur les étrangers et l’intégration, traitant des révocations des permis de séjour et d’établissement, qui indiquent que les autorités doivent examiner si le recours à l’aide sociale est « fautif » ou non, donc si la personne n’a pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour ne pas avoir besoin de cette prestation.
Dans le droit actuel, le caractère « fautif » du recours à l’aide sociale doit déjà être examiné par les autorités et les tribunaux dans le cadre de l’examen de la proportionnalité (art. 96 LEI). Comme le souligne le rapport[3], les nouveaux alinéas 1bis représentent en réalité une codification de la jurisprudence actuelle et n’accordent pas de protection supplémentaire aux personnes étrangères qui se retrouvent à l’aide sociale[4].
Rappelons que l’initiative parlementaire « La pauvreté n’est pas un crime » visait à atténuer les conséquences de la perception d’aide sociale pour les personnes de nationalité étrangère résidant depuis longtemps en Suisse. Elle souhaitait corriger une disposition en vigueur au 1er janvier 2019 qui a aboli la protection contre la révocation des permis d’établissement C pour perception d’aide sociale de personnes qui résidaient de manière légale et ininterrompue en Suisse depuis quinze ans et plus[5].
La consultation dure jusqu’au 14 mars 2025. Lien vers le communiqué de presse.
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[1] https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20200451
[2] https://www.parlament.ch/fr/organe/commissions/commissions-thematiques/commissions-cip/rapports-consultations-cip/vernehmlassung-spk-20-451
[3] https://www.parlament.ch/centers/documents/fr/Bericht%20SPK-N%2020.451%20F.pdf, page 7.
[4] Voir à ce sujet les veilles de l’Artias concernant le droit des étrangers, en particulier celle d’août 2000 qui traite des premiers arrêts du Tribunal fédéral sur la perception de l’aide sociale, suite à l’entrée en vigueur de la LEI au 1er janvier 2019, https://artias.ch/artias_veille/consequences-de-la-perception-daide-sociale-dans-la-loi-sur-les-etrangers-et-lintegration-lei-quelques-arrets-du-tribunal-federal-rendus-en-2020-mis-en-contexte/
[5] Voir par exemple https://artias.ch/artias_veille/revision-sur-la-loi-federale-sur-les-etrangers-les-dispositions-concernant-lintegration-entrent-en-vigueur-au-1er-janvier-2019/